Le ministre Lacombe en mission en Europe pour renforcer la réponse internationale aux géants du numérique

Le ministre Mathieu Lacombe veut légiférer ici pour rehausser la place du contenu francophone en ligne.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le ministre Mathieu Lacombe veut légiférer ici pour rehausser la place du contenu francophone en ligne.

Près de vingt ans après la ratification de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, Québec veut mener le combat pour lui donner plus « de dents » contre les géants du numérique. Un premier « chantier » que mènera la semaine prochaine le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, avant de légiférer ici pour rehausser la place du contenu francophone en ligne.

Le ministre de la Coalition avenir Québec s’envole dimanche pour l’Europe. Il effectuera une mission d’une semaine à Paris et à Bruxelles durant laquelle il s’entretiendra notamment avec son homologue française, la ministre Rachida Dati, et le sous-directeur général pour la culture de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Ernesto Ottone.

M. Lacombe s’y rend au moment même où les États membres du Comité intergouvernemental de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles se réunissent pour une 18e session en vue d’adopter d’éventuels amendements au texte, vieux de vingt ans.

Au début du siècle, le gouvernement du Québec avait joué un rôle clé pour convaincre certains pays membres de l’UNESCO d’apposer leur signature au bas de la convention. Après un vote unanime de l’Assemblée nationale en novembre 2005, le gouvernement du Québec était devenu le premier gouvernement au monde à approuver la Convention de 2005. Au total, 158 États y ont adhéré depuis.

Or, « évidemment, les temps ont changé », a constaté le ministre Lacombe en entrevue dans son bureau de l’Assemblée nationale, cette semaine. « À cette époque-là, il n’y avait pas les plateformes numériques qu’on connaît aujourd’hui. Donc, […] il faut refaire ce travail-là avec les États membres pour qu’on puisse mettre la convention à jour, puis pour qu’elle ait véritablement des dents. »

Des lois partout ?

L’élu caquiste pousse entre autres pour qu’il y ait « une contrainte pour les signataires de la convention de voter une loi sur leur territoire pour encadrer la présence des plateformes et s’assurer que leur contenu soit mis de l’avant ».

« Si on a une convention qui est mise à jour, que tous les États signataires s’engagent à adopter des projets de loi, on va se retrouver avec des plateformes qui n’auront pas le choix, devant ce consensus international, de travailler avec les États, parce que ce sera sensiblement un peu partout pareil dans le monde », a souligné M. Lacombe dans son entretien avec Le Devoir.

Cette vision est partagée, souligne-t-il, par les membres du Groupe de réflexion sur la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique, où siègent deux Québécois : la professeure titulaire de droit international à l’Université Laval Véronique Guèvremont, et le professeur de communication internationale à l’Université du Québec à Montréal Destiny Tchehouali.

Celui-ci présentera la semaine prochaine à l’UNESCO ses recommandations pour la mise à jour de la convention. Les États membres devront ensuite les approuver, en vue de la Conférence des Parties à la Convention de 2005, en juin. Le vote de la semaine prochaine est « déterminant » pour la suite, selon M. Lacombe.

Éviter un monde tout en anglais

Jointe cette semaine au téléphone, l’ex-ministre québécoise de la Culture et des Relations internationales Louise Beaudoin a tenu à souligner l’importance du moment.

Celle qui avait signé en 2014 un rapport pour le compte de l’Organisation internationale de la francophonie sur les « impacts et enjeux du numérique » craint que la place de plus en plus omniprésente des Netflix et des Spotify mène à « l’uniformisation des cultures dans le monde ». « Qu’il n’y ait qu’une seule langue, l’anglais », a-t-elle résumé.

« Je dis souvent : si la biodiversité est si importante — puis, j’en suis, c’est une évidence qu’elle se réduit —, c’est la même chose pour les langues et les cultures. Il faut maintenir une diversité des langues et des cultures dans le monde pour que le monde soit l’humanité dans toutes ses expressions », a ajouté Mme Beaudoin.

Le facteur Trump

L’ex-politicienne se remémore le rôle qu’avaient joué les États-Unis — « qui, eux, ne voulaient pas d’exceptions culturelles » — pour mettre des bâtons dans les roues de la Convention de 2005. Avec Donald Trump au pouvoir, elle s’attend aux mêmes vents de face. « Je pense que notre seule chance de réussite, c’est s’il y a une coordination internationale », a-t-elle soulevé.

Comme en 2005, quand le Québec avait démontré son « leadership » aux côtés de la France et du Canada, le ministre Lacombe souhaite profiter de la semaine prochaine « pour que les autres États se rallient à la cause ». « On est vraiment dans la diplomatie, dans les jeux de corridors, les jeux de coulisses », a-t-il illustré.

« Motivé » par l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, le ministre de la Culture veut à tout prix éviter un échec. « Ça voudrait dire, au mieux, qu’on prend du retard dans l’échéancier », a souligné M. Lacombe.

L’élu caquiste n’entend pas, du moins, prendre du retard sur son propre échéancier au Québec : il déposera « après le budget » un projet de loi pour renforcer la présence du contenu de langue française sur les plateformes de diffusion numériques. Un rapport d’experts le lui avait recommandé, il y a un an.

« Le rapport parlait […] d’un droit pour les Québécois d’avoir accès à leur culture. Ça, c’est quelque chose sur lequel on planche dans le projet de loi », a affirmé M. Lacombe.

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