La menace tarifaire continue de planer sur la campagne électorale ontarienne

La chef du Parti libéral de l'Ontario, Bonnie Crombie, lors d’un événement partisan au Collège George Brown, à Toronto, le 11 février 2025
Photo: Chris Young La Presse canadienne La chef du Parti libéral de l'Ontario, Bonnie Crombie, lors d’un événement partisan au Collège George Brown, à Toronto, le 11 février 2025

Le 27 février prochain, les Ontariens iront aux urnes dans le cadre d’élections générales anticipées qu’a déclenchées le premier ministre Doug Ford, en quête d’un mandat renouvelé face à la menace des tarifs douaniers américains. Retour sur l’actualité qui a marqué la dernière semaine.

Après un court répit, les tarifs douaniers sont rapidement revenus à l’avant-plan en cette troisième semaine de campagne électorale en Ontario. Et pendant que la menace américaine est sur toutes les lèvres, les partis d’opposition peinent à tirer leur épingle du jeu, faute de propositions et de critiques qui s’imposent.

« Les partis d’opposition ont vraiment de la difficulté à prendre les devants de la scène. […] Et ça commence à montrer que cette campagne ne lève pas beaucoup », dit Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.

La semaine dernière, les oppositions avaient profité du sursis tarifaire annoncé pour mettre de l’avant d’autres thèmes : la santé pour le Parti libéral de l’Ontario (PLO) ; l’éducation pour le Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario ; la redistribution de la richesse pour le Parti vert de l’Ontario. « C’étaient des choses qu’on avait déjà entendues par le passé […], rien qui me suscite des discussions », estime Mme Tellier. Seuls les verts et les néodémocrates avaient présenté leur plateforme électorale au moment où ces lignes ont été écrites.

La stratégie du premier ministre Doug Ford, qui a déclenché des élections anticipées en demandant aux Ontariens un mandat fort pour tenir tête à la menace américaine, semble fonctionner, affirme Peter Graefe, professeur associé en science politique à l’Université McMaster. « C’est une formule gagnante. Il est populaire et évite les débats provinciaux », même si son passage à Washington n’a pas mené à de « gros gains », note-t-il.

Les critiques des partis d’opposition à l’endroit du gouvernement progressiste-conservateur atteignent peu leur cible, malgré le non-respect de grandes promesses en matière de logement et d’accès à un médecin de famille. « Les critiques sont là, mais les solutions pour convaincre les Ontariens qu’ils feraient mieux ne le sont pas. Ce qu’on entend, c’est qu’on va dépenser plus. Mais est-ce que ça va régler les choses ? » se demande Mme Tellier. Et puisque les dernières élections générales ont eu lieu il y a moins de trois ans, il est plus ardu de dresser un véritable bilan, estime-t-elle.

Campagne courte, exercice difficile

Mais c’est peut-être déjà trop tard pour les adversaires de Doug Ford, estiment les professeurs Tellier et Graefe.

La cheffe du NPD ontarien, Marit Stiles, est connue du public, mais il s’agit de sa première campagne électorale. Et Bonnie Crombie, la cheffe du PLO, n’est pas parvenue à représenter le changement espéré — en dehors de la région de Mississauga, la ville dont elle a été mairesse de 2014 à 2024, « on ne sait pas qui elle est », résume Mme Tellier.

En Ontario, les campagnes électorales ne durent que quatre semaines, ce qui rend la chose difficile pour les dirigeants politiques moins connus. « Ça leur donne moins de temps pour rejoindre l’Ontarien moyen, qui ne suit pas la politique », constate M. Graefe.

Depuis 20 ans, le taux de participation aux élections provinciales est d’ailleurs de moins de 60 %, illustre Mme Tellier. Et cette fois, la préoccupation semble en plus ailleurs, du côté du fédéral et des États-Unis, selon elle.

Les chefs des différents partis pourront toutefois s’illustrer lors des débats électoraux, qui se poursuivront jusqu’à la semaine prochaine. « Tout peut se jouer dans les deux sens. […] La moitié des Ontariens se disent prêts à un changement de gouvernement, mais ne se rallient pas à l’un ou l’autre. Le débat est un moment où ça peut se jouer », croit le professeur Graefe.

Par ailleurs, aux yeux de Geneviève Tellier, le grand perdant de la course électorale jusqu’à maintenant est la francophonie ontarienne. « C’est probablement la campagne qui en parle le moins dans les 15 dernières années. Ford n’a pas de pot à casser ou à réparer, et ce n’est pas une course serrée. »

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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