La CAQ «n’a pas d’argent» pour le transport collectif alors que les villes affichent leurs ambitions

Plusieurs municipalités et préfectures ont fait front commun, mercredi, pour dénoncer «un modèle actuel qui ne mène nulle part» sur la couronne nord de Montréal. On voit ici un autobus d’Exo à la gare de Repentigny.
Photo: Jean Balthazard Archives Le Devoir Plusieurs municipalités et préfectures ont fait front commun, mercredi, pour dénoncer «un modèle actuel qui ne mène nulle part» sur la couronne nord de Montréal. On voit ici un autobus d’Exo à la gare de Repentigny.

Au moment où les villes et leurs sociétés de transport réclament à grands cris une réforme de leur mode de financement, le gouvernement leur pointe ses coffres vides et encourage la contribution du privé en matière de mobilité collective.

Plusieurs municipalités et préfectures ont fait front commun, mercredi, pour dénoncer « un modèle actuel qui ne mène nulle part » dans la couronne nord de Montréal et qui représente un « cauchemar éveillé » à Québec.

« L’argent, c’est le nerf de la guerre », a tenu à rappeler la mairesse de la métropole, Valérie Plante, en commission parlementaire sur la création de l’agence Mobilité Infra Québec. « La meilleure structure de gouvernance imaginable ne pourra jamais réussir à atteindre ses objectifs sans une profonde transformation du mode de financement. »

Bien que les élus se fassent entendre, ils paraissent loin d’être exaucés. « On n’en a pas, d’argent », a indiqué mercredi matin la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, en évoquant le déficit de 11 milliards de dollars inscrit au dernier budget du Québec. « Le transport collectif, c’est sur le territoire des municipalités et [elles] ont un rôle à jouer dans [leur] financement. On ne peut pas mettre de l’argent éternellement sans le réformer et sans partager les dépenses. »

La ministre Guilbault a appelé à ce que les sources de revenus des sociétés de transport collectif du Québec soient « diversifiées ». Une piste de solution prometteuse, selon elle, est l’apport du privé dans le développement des réseaux — à l’instar d’Airbus, qui a instauré de son propre chef un service de navette entre Laval et ses installations de Mirabel pour ses salariés.

« Pour moi, la contribution du privé est un exemple de nouveau moyen qui est moderne, qui est innovant, qui est une nouvelle source de revenus, a souligné la ministre. Je trouve que c’est bon pour tout le monde. »

La couronne nord dénonce l’inaction de la CAQ

La situation illustre plutôt le portrait lamentable de la mobilité dans la couronne nord de Montréal, selon sept élus de la région qui avaient fait le déplacement à Québec, mercredi, pour porter leurs doléances au pied du parlement. « Lorsqu’une grande entreprise comme Airbus doit mettre sur pied sa propre navette à cause de l’insuffisance de l’offre de transport en commun, il y a un problème », a soutenu le maire de Deux-Montagnes, Denis Martin.

« Le transport en commun [est] absolument inefficace et absent, pratiquement, sur la couronne nord », a déploré Robert Morin, le président du conseil municipal de Terrebonne, avec comme résultat que « chaque matin, des milliers de familles perdent de précieuses heures dans le trafic » sans possibilité de se tourner vers d’autres options que la voiture. « Les citoyens de la couronne nord méritent mieux », a encore ajouté Denis Martin.

Les élus ont demandé à la ministre Guilbault des « actions immédiates » et ont lancé un avertissement à la Coalition avenir Québec (CAQ), présentement dominante dans la périphérie nord de Montréal. « Le transport en commun sera au coeur des enjeux de la prochaine partielle dans Terrebonne », a garanti Robert Morin.

Priorité au transport collectif, demande Montréal

Pendant qu’un concert d’élus réclamait la révision du modèle de financement actuel, l’étude du projet de loi 61, devant mettre au monde Mobilité Infra Québec, se poursuivait à l’Assemblée nationale.

La Ville de Montréal salue la volonté du gouvernement d’accélérer les chantiers en matière de transport et de réduire leur coût. Valérie Plante s’inquiète toutefois de voir la mobilité collective reléguée aux oubliettes de la nouvelle structure. « Tel que formulée actuellement, la mission de la future agence risque de noyer les projets de transport collectif dans une grande mer de projets routiers, a déploré l’élue. Ce n’est pas cohérent de mettre les futurs projets de transport collectif sur un pied d’égalité avec les projets routiers. »

Montréal a donc recommandé que la préséance du transport collectif soit inscrite « noir sur blanc dans le projet de loi 61 ».

La mairesse Plante veut également que Mobilité Infra Québec tienne compte des études et des travaux de planification déjà réalisés pour éviter « un redémarrage complet du processus ». « De grâce, ne disons pas aux gens de l’est [de Montréal] qu’ils devront attendre encore trois ans pour savoir quel mode de transport sera implanté […] et quand il va se faire », a fait valoir Mme Plante.

Enfin, Montréal a joint sa voix au choeur du monde municipal, mercredi, pour réclamer un « financement récurrent et stable » en matière de mobilité collective, rappelant au passage que l’Ontario, l’étalon par rapport auquel le premier ministre François Legault aime évaluer le Québec, déploie 75 % de ses investissements en transport en commun et 25 % dans ses routes.

« Ici, c’est le contraire. On doit inverser la tendance », a déploré la mairesse.

Avec François Carabin

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