Magalie Lépine-Blondeau incarne avec brio France Charbonneau dans «L’appel»

Magalie Lépine Blondeau et Patrice Robitaille sont les têtes d'affiche de la mini-série «L'Appel», disponible sur Illico+ dès le 23 janvier.
Photo: Eric Myre Magalie Lépine Blondeau et Patrice Robitaille sont les têtes d'affiche de la mini-série «L'Appel», disponible sur Illico+ dès le 23 janvier.

Des voitures explosent. Les fusillades et les meurtres se multiplient. Des hommes sont battus sans pitié. Des innocents allongent la liste déjà longue des victimes. C’est la guerre des motards qui fait rage. Dans ces années d’austérité financière qui suivent l’échec référendaire de 1995, la société québécoise est-elle en train de se déliter ? Tout le monde, en tout cas, craint les motards et les groupes criminalisés qui leur sont affiliés. Le règne de la nuit s’est installé, au milieu d’un climat de terreur. Voici la trame de fond sur laquelle se tisse L’appel, cette nouvelle série policière diffusée à compter de cette semaine par Illico+.

Deux gardiens de prison, Pierre Rondeau et Diane Lavigne, sont abattus par des gens qui voudraient de plus en plus se croire intouchables. Où le caïd Maurice « Mom » Boucher va-t-il s’arrêter ? Au sein de l’escouade policière Carcajou, la procureure France Charbonneau, incarnée par Magalie Lépine-Blondeau, va jouer un rôle déterminant pour renverser la vapeur. C’est autour de cette avocate devenue juge qu’est construite la série. C’est elle en bonne partie, tout le monde s’en souvient, qui finira par faire condamner le criminel à l’issue d’un second procès.

La vraie juge Charbonneau

Très prolixe en entrevue, la vraie France Charbonneau ne tarit pas d’éloges sur cette série, qui fait en quelque sorte son éloge à la face de l’histoire. « La série est absolument fabuleuse ! Je suis honorée et émue. C’est un copier-coller de la réalité, sous la forme d’un thriller. […] Je peux vous assurer que tout ce qui est dit, ce sont des extraits des procès, de ce qui a vraiment été dit. […] C’est d’un réalisme criant. »

Elle dit reconnaître tout aussi bien là-dedans ce qu’elle a vécu dans des bureaux, notamment au chapitre de ses rapports avec des enquêteurs.

France Charbonneau fut, entre 1997 et 2000, conseillère juridique de l’escouade Carcajou. Devenue juge, elle fut aussi connue du public comme présidente de la commission d’enquête sur l’industrie de la construction du Québec.

Photo: Eric Myre Magalie Lépine-Blondeau incarne la procureure de la Couronne France Charbonneau dans la mini-série «L'appel»

Pourquoi, selon elle, fallait-il raconter cette histoire ? À son sens, il importe qu’une société exorcise ses démons. « Il faut vaincre la peur sous toutes ses formes. Il est important de montrer que le jury a pu vaincre ses peurs. »

La célèbre juge rappelle que, devant les hommes de main de Maurice « Mom » Boucher, tout le monde tremblait. Le seul fait que des membres de sa bande soient allés se montrer devant un témoin après sa comparution avait suffi pour que celui-ci ne souhaite plus se représenter devant la cour. « La peur peut se faufiler partout », dit France Charbonneau.

Plus que des faits vécus

Avec cette série, nous sommes plus que devant une série policière « inspirée de faits vécus », comme cela est souvent le cas. Scénarisée par Luc Dionne (Omertà, District 31, Monica la mitraille), L’appel s’appuie sur un fin travail de dissection des documents d’époque, dans une volonté affirmée de présenter un déroulement cohérent des faits.

L’appel ne réinvente pas le genre policier. Loin de là. Comme dans toutes les séries du genre, une musique anxiogène tient le public sur le bord de son fauteuil. Y est aussi distillée une morale sur les fondements de la société juste, mais sans que jamais soit discuté par ailleurs ce qui conduit des individus à la criminalité. La logique de base est que des coupables doivent payer. « On le laissera pas passer. Il va payer pour ce qu’il a fait », dit le policier incarné par Patrice Robitaille.

Le premier épisode apparaît difficile à suivre tant la transposition de l’histoire originale est déroulée sur un fil ponctué d’avis répétés aux téléspectateurs sur la date et l’heure des éléments qui leur sont présentés. Où s’en va-t-on avec tout cela ? Les minutes passent. Petit à petit, le paysage s’éclaire. Il faut dire que la série est servie par une brochette de comédiens d’exception.

Une remarquable distribution

Magalie Lépine-Blondeau incarne une France Charbonneau convaincante. Son talent d’actrice ne se dément pas. « J’ai enregistré sa voix… J’ai épluché sa voix pour me l’approprier », dit-elle en marge du visionnement de presse des premiers épisodes de la série.

La comédienne aurait eu beau jeu de proposer une procureure Charbonneau de substitution, quelque part entre la caricature et l’imitation. Mais c’eût été trahir sa propre intelligence du jeu devant la caméra.

Photo: Illico + David Savard, Vincent Graton (dans le rôle de Mom Boucher) et Patrice Robitaille dans la série «L'appel»

Magalie Lépine-Blondeau a su, d’une part, cerner l’aplomb et le débit de la procureure, tout en donnant d’autre part beaucoup d’elle-même au personnage afin d’en assurer un degré supérieur de véracité. Ce n’était pas là quelque chose de forcément évident à réaliser au milieu d’une distribution où les hommes règnent en force, comme dans la vraie histoire. « Le fait d’être devant des hommes, tous bien plus gros physiquement, a son importance. Dans mon corps, explique Magalie Lépine-Blondeau, il se passait quelque chose pour que je puisse être au même niveau qu’eux. »

Le jeune tueur à gages Stéphane « Godasse » Gagné est incarné, dans sa complexité et ses tourments intérieurs, par un Pier-Luc Funk convaincant. Tout s’effondre autour de lui. Il glisse vers l’abîme où il s’est lui-même lancé. Un coup de téléphone à sa mère rend compte malgré tout d’une vérité sociale sans doute indépassable : « Je t’aime pareil, tsé », dit-elle.

De son côté, Patrice Robitaille se glisse dans la peau de l’enquêteur Sylvain Provencher. Et dans les deux premiers épisodes du moins, c’est peut-être lui qui vole la vedette. Dans une séance d’interrogatoire par exemple, sa capacité à moduler un déroulement aux allures de montagnes russes s’avère tout à fait enlevante.

Quant à lui, Vincent Graton donne froid dans le dos. Son incarnation du chef de gang décomplexé qu’est Maurice « Mom » Boucher est troublante. Ceux qui suivront la série apprécieront en outre le jeu de plusieurs autres acteurs d’exception, dont Christian Bégin, Pierre-François Legendre et James Hyndman. Cette distribution est sans conteste on ne peut plus solide.

Reste qu’on demeure ici dans une télévision de la culture policière. Avec les émissions de cuisine, l’univers des affaires policières constitue depuis des décennies un fonds de commerce dont les limites constituent une sorte de pré carré, où les spectateurs ont appris à tourner en rond sans trop se poser de questions. L’appel est à situer dans cette ligne de la surproduction en matière de séries policières.

Cette série est réalisée par Julie Perreault. Elle est produite par le duo de vieux routiers de la télévision formé par Michel Trudeau et Fabienne Larouche. Pour cette dernière, L’appel expose « un moment important de notre histoire ».

L’appel

Sur Club Illico+ dès le 23 janvier

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