Le M23 décrète un «cessez-le-feu» humanitaire en République démocratique du Congo

Des victimes du conflit ont été enterrées, lundi, dans un cimetière de Goma.
Photo: Alexis Huguet Agence France-Presse Des victimes du conflit ont été enterrées, lundi, dans un cimetière de Goma.

Le M23 a annoncé unilatéralement un « cessez-le-feu » humanitaire en vigueur à compter de mardi dans l’est de la République démocratique du Congo, avant une rencontre entre les présidents congolais et rwandais, Félix Tshisekedi et Paul Kagame, ce week-end en Tanzanie.

Le groupe armé antigouvernemental et les troupes rwandaises se sont emparés la semaine dernière de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu. Les combats ont depuis cessé dans la ville de plus d’un million d’habitants.

Mais après avoir pris le contrôle de Goma, le M23 et ses alliés rwandais ont progressé dans la province voisine du Sud-Kivu. Ils sont présents depuis plusieurs jours autour de la cité minière de Nyabibwe, à une centaine de kilomètres de la capitale provinciale, Bukavu, et à environ 70 km de son aéroport, selon des sources locales et humanitaires.

Un calme relatif se maintient depuis dimanche, et aucun affrontement n’a eu lieu mardi.

Toutefois, l’armée congolaise comme le M23 et ses alliés rwandais sont en train de se renforcer en troupes et en matériel dans la région, selon des sources locales et militaires.

Le M23 (« Mouvement du 23 mars ») a annoncé lundi soir décréter « un cessez-le-feu » prenant effet à partir du lendemain « pour des raisons humanitaires » et a affirmé n’avoir « aucune intention de prendre le contrôle de Bukavu ou d’autres localités ». La semaine dernière, il avait en revanche déclaré vouloir « continuer la marche » jusqu’à la capitale congolaise, Kinshasa.

Dans ce conflit qui dure depuis plus de trois ans dans l’est de la RDC, une demi-douzaine de cessez-le-feu et de trêves ont été déclarés entre les deux parties, avant d’être systématiquement rompus.

« Ligne de vie »

L’ONU a appelé mardi à rouvrir l’aéroport de Goma, théâtre d’affrontements intenses la semaine dernière.

« L’aéroport de Goma est une ligne de vie. Sans lui, l’évacuation des blessés graves, l’acheminement des fournitures médicales et la réception des renforts humanitaires sont paralysés », a souligné dans un communiqué le coordinateur humanitaire en RDC, Bruno Lemarquis.

L’Université de Goma a de son côté appelé les étudiants à reprendre les cours lundi, signalant une volonté de retour à la normale, après des combats qui ont fait à Goma au moins 900 morts, selon le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Les organisations régionales, des pays médiateurs comme l’Angola et le Kenya, l’ONU, l’Union européenne et la communauté internationale en général tentent de trouver une issue diplomatique à la crise, craignant un embrasement régional.

Selon la présidence kényane, M. Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, participeront samedi à Dar es-Salaam à un sommet extraordinaire conjoint de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU doit auparavant se réunir en urgence vendredi, à la demande de Kinshasa, pour évoquer la crise.

Enquête sur les exactions

Dans l’est de la RDC, meurtri par plusieurs décennies de conflit entre de multiples groupes armés, Kinshasa accuse Kigali de vouloir, via le M23 notamment, piller les ressources naturelles.

Le Rwanda nie et affirme vouloir y éradiquer des groupes armés, notamment créés par d’ex-responsables hutu du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, qui menacent selon lui sa sécurité.

Quelque 75 ONG congolaises, régionales et internationales ont demandé mardi une enquête sur les violations des droits et les abus commis par toutes les parties pendant les combats.

À Kinshasa, les appels aux rassemblements pour dénoncer le conflit et interpeller la communauté internationale se sont multipliés ces derniers jours, mais les manifestations ont été interdites jusqu’à nouvel ordre dans la capitale pour éviter les débordements. Depuis dimanche, l’accès aux réseaux sociaux est restreint dans la ville.

À Pretoria, en Afrique du Sud, plusieurs centaines de Congolais ont manifesté mardi devant la délégation de l’Union européenne pour réclamer des sanctions contre le Rwanda.

Plusieurs pays, dont les États-Unis et la Belgique, ont appelé à quitter ou éviter de se rendre en RDC après des attaques la semaine dernière sur plusieurs ambassades de pays occidentaux accusés d’inaction.

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