Politicienne, sois homme ou tais-toi?

Le 23 octobre dernier, Valérie Plante a annoncé qu’elle ne se représentera pas aux prochaines élections municipales.
Photo: Christinne Muschi La Presse canadienne Le 23 octobre dernier, Valérie Plante a annoncé qu’elle ne se représentera pas aux prochaines élections municipales.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé le mois dernier qu’elle ne se représentera pas aux prochaines élections municipales. Alors que beaucoup feignent la surprise, je pense qu’il est nécessaire de revenir à la base, à commencer par le traitement politique et médiatique que l’on réserve aux femmes dans nos sociétés.

Depuis le début de son mandat, Mme Plante a maintes fois été décriée pour sa gestion de Montréal. Comme j’ai habité un an à Paris, ce phénomène m’a curieusement rappelé la situation d’une autre femme politique, celle d’Anne Hidalgo. Comme son homologue québécoise, la mairesse de Paris depuis 2014 est constamment critiquée pour sa manière de diriger sa ville. Leurs points communs ne s’arrêtent pas là. En effet, les deux femmes se rejoignent sur une même vision pour leur ville : la rendre plus verte. Ce sont là des positions de bon sens, quand on analyse les données alarmantes entourant la crise climatique.

Mmes Plante et Hidalgo reçoivent aussi des critiques similaires sur leur gestion de l’itinérance et des travaux publics. Est-ce vraiment pour cela qu’elles sont constamment pointées du doigt ? Sont-elles à ce point moins efficaces que les hommes pour mériter ainsi une telle haine continue et, disons-le, disproportionnée ? Je mets au défi quiconque d’affirmer que leurs prédécesseurs effectuaient un travail irréprochable.

Des attaques sexistes

On pourrait penser que le point de convergence entre Anne Hidalgo et Valérie Plante réside dans leurs positionnements politiques. Toutes deux sont liées à des partis de gauche dans leur pays respectif. Les critiques à leur égard seraient alors d’ordre idéologique ? Permettez-moi d’en douter. Qu’elles soient libérales ou socialistes, toutes les femmes politiques reçoivent des critiques similaires, nourries par un assaut numérique constant.

Valérie Plante a récemment pris la décision de restreindre les commentaires sur ses réseaux sociaux. Constatons-nous de telles mesures radicales parmi ses confrères ? Dans une bien moindre mesure, mais nous ne lisons pas de propos appelant au viol sous leur déclaration publique non plus. À l’inverse, le contenu des commentaires n’est en rien, ou alors rarement, lié aux idées des femmes, mais bien davantage à leur intégrité. Ces attaques sexistes dévoilent un postulat préoccupant : on sexualise bien plus les femmes politiques qu’on ne les écoute.

Une enquête d’Alexandre Dumas concernant la désertion des femmes du monde politique a récemment permis de documenter le mal-être que les femmes y ressentent. D’anciennes élues expliquaient ne pas avoir poursuivi leur parcours politique, repartant avec le sentiment d’y avoir été « une plante verte ». Le constat amer est le suivant : les femmes ne sont toujours pas les bienvenues dans la sphère publique.

Comme étudiante en science politique, cela m’interpelle, car c’est de mon avenir qu’il s’agit. Comment faire, alors, pour trouver sa place en politique ?

Les rares femmes qui ont brisé le plafond de verre l’ont fait en dissimulant ou en minimisant leur genre. Elles ont laissé de côté leurs attributs féminins. Celles qui oeuvrent au sein de partis conservateurs vont parfois même suivre des rhétoriques misogynes. Par exemple, la femme politique française Valérie Pécresse a pu clamer lors d’une collecte de déchets : « Rien de tel qu’une femme pour faire le ménage ! » D’autres parviennent à s’emparer des gestes et des habits masculins, comme si elles souhaitaient apparaître incognito sur une photo.

Qu’on aime ou pas leur programme politique, il est important de souligner que Valérie Plante et Anne Hidalgo n’ont jamais renié leur caractère féminin, que ce soit dans leur manière d’être ou dans leur manière de faire de la politique. Mais à quel prix ? Au prix de centaines de messages sexistes, voire délibérément violents, reçus tous les jours.

Vous l’aurez compris, aspirantes en politique et jeunes politiciennes, pour vous en sortir… soyez des hommes !

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