Northvolt est le Waterloo de la Coalition avenir Québec

La session parlementaire s’annonçait déjà difficile pour le gouvernement Legault, suivant l’appui du premier ministre au Parti conservateur du Canada, ses déclarations erratiques sur l’immigration et l’entièreté de la saga Northvolt. Les troubles financiers de l’entreprise, les concessions qu’aurait faites le gouvernement afin de garder Goldman Sachs dans le projet, les révélations quant au processus d’octroi du contrat et les récents changements à la direction de l’entreprise n’annoncent rien de bon et confirment la tendance lourde et problématique de ce gouvernement qui donne toute la place au privé, au détriment de la nation québécoise.
La Coalition avenir Québec (CAQ) s’est construite sur deux piliers fondateurs : le nationalisme (aussi appelé la troisième voie) et l’économie.
Alors que l’appel au renversement du gouvernement de Justin Trudeau au profit d’un gouvernement conservateur vient illustrer l’échec de cette troisième voie, les secousses traversées par Northvolt pourraient venir faire tomber le deuxième pilier du parti.
À l’annonce de l’investissement majeur du gouvernement auprès de l’entreprise, François Legault avait déclaré que ce projet pouvait se comparer au développement de la Baie-James. Cependant, un élément fondamental diverge : la dépendance auprès d’une entreprise privée étrangère. La filière batterie représente un secteur porteur pour l’économie québécoise quand on considère nos ressources naturelles et l’essentielle transition énergétique. Si le premier ministre avait réellement souhaité s’inspirer du projet de Robert Bourassa venu révolutionner l’économie du Québec, pourquoi ne pas l’avoir fait à travers un partenariat avec les institutions publiques ?
Parce que le raisonnement du « parti de l’économie » affiche une faille existentielle : la conviction de la domination de l’entreprise privée.
Avec le parcours des figures économiques de proue de la CAQ, il est naturel pour ce gouvernement d’entrepreneurs de prêcher les vertus du privé. Cependant, la nation québécoise était en droit d’espérer que cette analyse ne s’applique pas au plus grand projet économique du Québec. Loin de moi la prétention de dire que tout projet économique doit être fait par le public. Cependant, dans un secteur de pointe comme le développement de la filière batterie, la solidité financière du gouvernement vient garantir que le projet ira de l’avant malgré les possibles secousses économiques. Dans un projet d’une telle envergure, on doit s’assurer d’un maximum de sécurité, au détriment d’une partie des gains qui pourraient assurément être plus élevés dans un contexte de projets menés par le secteur privé.
Nous ne parlons pas ici de se limiter aux subventions, mais d’assurer une participation de l’État au projet afin d’assurer une saine gestion des fonds québécois investis. Soulignons également l’ironie d’un gouvernement nationaliste qui vient écarter le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement — une institution québécoise — du processus d’octroi d’un des contrats les plus ambitieux du Québec moderne.
De plus, la vision gouvernementale d’investir dans Northvolt va à l’encontre des tendances mondiales au chapitre économique. En effet, nous avons pu constater l’émergence de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG » ) qui sont aujourd’hui pris en compte par plusieurs gouvernements et institutions publiques du domaine de l’économie. Dès l’ouverture de la session parlementaire, on a pu constater que le gouvernement ne semblait pas avoir tenu compte de ces facteurs en octroyant des blocs d’énergie qui auraient pu être accordés à des entreprises locales moins à risque de déménager à l’étranger et ayant plus à coeur le développement économique du Québec. Bien que Northvolt oeuvre dans le domaine environnemental, le fait qu’il s’agisse d’une entreprise étrangère qui n’est pas ancrée dans la communauté locale fait douter du respect de l’application des facteurs ESG.
Le gouvernement aura parié l’argent des Québécois, et il aura perdu. Au final, le responsable de ce fiasco est le premier ministre. Dans un contexte où la grogne se fait déjà sentir dans ses rangs en raison de l’échec de ses nombreuses demandes restées sans réponses auprès du fédéral, cet échec pourrait sonner le glas de François Legault, qui voit ainsi la deuxième raison de son engagement politique s’effondrer. Il s’agit d’une fin malheureuse pour un homme politique marquant qui souhaitait d’abord et avant tout faire avancer le Québec.
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