La lutte contre la pauvreté ne laisse que des miettes pour les femmes!

La Marche des femmes contre la pauvreté de 1995
Photo: Jacques Grenier Archives Le Devoir La Marche des femmes contre la pauvreté de 1995

En 1995, les femmes au Québec descendaient dans la rue pour l’amélioration de leurs conditions socioéconomiques, avec le pain comme symbole de leur lutte. Près de 30 ans plus tard, à la veille d’une nouvelle Marche des femmes, devenue mondiale depuis, la ministre Chantal Rouleau n’a que des miettes à nous offrir avec son quatrième plan d’action gouvernemental pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale et sa « modernisation » de l’aide sociale !

Au Québec, la pauvreté a un genre. Et il est féminin. Pour s’attaquer à la racine du problème, le gouvernement doit, entre autres, augmenter les revenus des personnes les plus pauvres de notre société. Il fait plutôt le contraire en sabrant les mesures de soutien à des femmes déjà en situation de vulnérabilité.

En effet, la réforme de l’aide sociale impose un recul majeur en abolissant la bonification de 161 $ par mois pour les chefs de famille monoparentale d’un enfant de moins de cinq ans à charge, alors que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour améliorer la capacité de ces parents, qui sont majoritairement des femmes, à subvenir à leurs besoins de base et à ceux de leurs enfants.

Les femmes victimes de violence conjugale et vivant en maison d’hébergement feront également les frais de cette réforme en se voyant retirer l’octroi automatique de la prestation pour « contraintes temporaires à l’emploi ». Cette régression inquiétante et incompréhensible complexifie les démarches de ces femmes au lieu de faciliter leur parcours de reprise de pouvoir sur leur vie.

Par ailleurs, on ne peut s’empêcher de remarquer que le gouvernement offre des miettes supplémentaires uniquement lorsque les femmes occupent des rôles sociaux genrés qui bénéficient à l’État. Au lieu d’abolir la notion de vie maritale et de garantir une prestation pleine et entière à chaque personne, peu importe sa situation familiale, le gouvernement choisit de l’assouplir dans un seul cas, c’est-à-dire lorsque les personnes agissent comme proches aidantes et permettent d’éviter que la personne conjointe aille vivre dans un établissement d’hébergement en raison de son état de santé. Il transforme ainsi la relation conjugale en relation aidante-aidé pour alléger le réseau de la santé et des services sociaux sur le dos des femmes, qui sont plus souvent dans le rôle de proches aidantes.

En prime, la ministre a failli à son engagement d’appliquer une analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle pour l’élaboration de ce plan gouvernemental. Force est de constater qu’encore une fois, des plans d’action gouvernementaux sont conçus sans une prise en compte des besoins des femmes et des obstacles qu’elles vivent, particulièrement pour celles qui sont à la croisée des oppressions. Comme la ministre se targue de ce qu’il s’agit d’un plan « évolutif », un retour à la table à dessin s’impose.

La ministre doit refaire ses devoirs et réviser les mesures qu’elle propose pour lutter contre la pauvreté si elle veut réellement améliorer les conditions de vie de toutes les femmes !

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