J’ai largué les réseaux sociaux

«Ce qui faisait de Facebook un outil sympa au début a, pour moi, disparu», dit l’auteur.
Photo: Getty Images «Ce qui faisait de Facebook un outil sympa au début a, pour moi, disparu», dit l’auteur.

Après 17 ans d’utilisation, j’ai fermé mon compte Meta/Facebook en octobre dernier. J’y étais régulièrement actif, autant comme producteur de réflexions personnelles (pas toujours réfléchies et nuancées) que comme agent d’absorption des commentaires d’autrui, les bons comme les irritants. Je tiens à préciser que, à l’aube de la soixantaine, je gagne encore ma vie dans le domaine des communications et des arts. Parfois difficilement. Disons que je pourrais facilement avoir « encore besoin » des médias sociaux, mais j’ai opté pour le renoncement. Tant pis pour les avantages potentiels. Pour moi, les bénéfices sont devenus infimes en comparaison des méfaits engendrés sur mon système nerveux, sur mes valeurs et sur le tissu social en général.

En gros, ce qui faisait de Facebook un outil sympa au début a, pour moi, disparu. Englouti par des torrents de pubs et de suggestions de pages toutes plus louches et débiles les unes que les autres. L’algorithme-espion copie ouvertement ce qu’on publie pour son département d’intelligence artificielle. Zuckerberg et son entreprise envoient impunément promener le Canada et ses médias depuis quelques années maintenant. Son algorithme, encore lui, laisse filtrer des mensonges éhontés, se dédouanant de tout mécanisme de vérification au nom de la liberté de dire n’importe quoi, alors que, l’an dernier, je me suis fait suspendre mon profil trois fois pour des publications humoristiques que cette machine du diable n’avait pas su interpréter.

Sur le plan sensoriel, je doute que le cerveau humain soit vraiment apte à trier et à digérer autant de stimuli et d’info en des laps de temps si courts, autant de fois par jour. Hashtag TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). Sur le plan social, j’ai acquis la conviction qu’on n’a pas la maturité individuelle ni collective pour utiliser ce genre d’outil à ce genre d’échelle. Les réseaux sociaux ont fini par révéler et cimenter des comportements indésirables de la part d’un trop grand nombre d’utilisateurs et exacerbé notre individualisme.

Ce chaos d’opinions, de réactions et de contre-réactions s’est avéré sérieusement délétère au quotidien. Ce sont des assauts répétés sur la psyché humaine, à mon sens. Sur la mienne, en tout cas. Aussi, cette appli qui devait rapprocher les gens et les communautés a, semble-t-il, réussi à séparer la société en clans idéologiques. T’es avec ton clan et les autres clans sont une « menace » à l’existence de ton clan. Un peu comme dans les pénitenciers. J’exagère un brin, mais ça donne l’idée.

Cela dit, où aller pour échanger des propos, sinon ? Le réseau X est la propriété d’un savant fou ultraréactionnaire et maintenant fasciste affiché. C’est peut-être juste moi, mais si j’étais sur X, j’aurais l’impression d’enrichir l’entreprise privée de Joseph Goebbels. Perso, je vais me garder une petite gêne et je resterai loin de cette fosse septique gérée par un gars hors de contrôle qui insulte des nations entières, se moque de chefs d’État qui ne pensent pas comme lui et qui bafoue les valeurs profondes de centaines de milliers d’utilisateurs-pas-fascistes-du-tout qui, vus de chez moi, n’ont étrangement pas l’air de s’en émouvoir outre mesure. Tant qu’à être là, je serais tenté de suggérer que vous n’avez qu’à coller des petits traits à angle droit sur les quatre pattes du X, ça donnerait une meilleure idée d’où on semble vouloir aller avec ça.

Au final, chacun a ses « j’ai pas le choix » et ses « il faut que » pour se convaincre de demeurer sur Facebook Meta, sur X ou sur quelque plateforme que ce soit. Il ne s’agit pas de faire du shaming mais juste de s’arrêter, de réfléchir et de reconsidérer l’utilité ultime de cet outil de communication planétaire. Ou, comme dirait Pierre-Yves McSween : « En as-tu vraiment besoin » ?

En gros, la question pour moi n’a pas été de savoir ce que je perdais en quittant Facebook et tous les réseaux. Ma question était de savoir ce que je gagnais à y rester.

La réponse était sans équivoque.

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