Sur l’islam au Québec

L’islam est une religion dont le culte peut se pratiquer là où se trouve le musulman : une prière trois à cinq fois par jour, tournée vers la Mecque, à des moments précis de la journée ; à faire ses ablutions, à dérouler son tapis de prière, à réciter les versets du Coran et à se prosterner en guise d’humilité et de respect. Dans un pays non musulman, comment pratiquer un tel culte quand on se trouve forcément à l’école, dans la rue, au travail ou ailleurs ? S’il est tout à fait naturel d’entendre l’appel à la prière et de voir un ou des fidèles manifester publiquement sa foi dans un pays musulman, cette pratique peut être perçue comme une insulte ou causer du malaise ou de l’incompréhension lorsqu’elle s’exprime massivement dans les rues du Québec.
Mariée à un musulman pratiquant depuis longtemps, je n’ai cependant jamais vu mon conjoint prier dans les rues, ni ici ni dans son propre pays. Et c’est le cas d’une majorité de musulmans vivant au Québec.
Il existe des moyens d’adapter ses pratiques selon les contextes. Par exemple, on peut « ramasser » ses prières et les faire une fois de retour chez soi en toute sérénité. Il n’y a donc pas d’obligation si les lois ou les contextes ne le permettent pas. Dans le désert, le musulman peut faire ses ablutions avec le sable. Normal, il n’y a pas d’eau. À l’école, la prière peut attendre. Normal, il y a la loi. L’esprit du Coran est plus souple que celui des hommes. Pourquoi des enseignants font-ils fi de la loi sur la laïcité au lieu de dire à leurs élèves que l’islam est accommodant ?
Il y a dans toutes les religions des fidèles de très mauvaise foi qui imposent leur interprétation des textes fondateurs et placent Dieu au-dessus de tout, sans compromis. Ce qui se passe dans les écoles du Québec, de la part de certains enseignants, ressemble à une forme de prosélytisme ou d’inconscience. Ils n’éduquent pas, ils apprennent aux jeunes à transgresser les lois sur l’instruction publique et sur la laïcité ; ils leur donnent une autorité morale, religieuse et revendicatrice qui nuit à l’islam. D’ailleurs, combien de jeunes font la prière une ou cinq fois par jour ? Ils ont beau être musulmans, ce sont des jeunes comme tous les autres.
Quant à l’homosexualité, elle est une réalité vieille comme le monde, et la quasi-totalité des religions la condamne. Ce qu’on a vu à l’école secondaire Saint-Maxime, à Laval, c’est le refus de certains jeunes, sous l’influence de leurs enseignants, d’entendre parler d’homosexualité en faisant taire ceux qui veulent en parler. Comme si cela allait faire disparaître cette réalité. Il faut prendre au sérieux ces manifestations « religieuses » dans les écoles du Québec et faire appliquer la loi ; c’est d’abord la responsabilité des directions d’écoles.
Certains chroniqueurs nous disent qu’il faut faire la différence entre l’islam et l’islamisme afin de ne pas polariser le débat ou susciter la haine. Ils ont raison. Mais on a rarement l’occasion d’entendre la voix de l’islam modéré. Les dérives auxquelles nous assistons sont souvent associées à un islam rigoriste ; ce sont elles qui font les manchettes et divisent la société.
Pourtant, bien des musulmans, qui vivent ou sont nés au Québec, partagent nos valeurs, en tout ou en partie, et respectent la Loi sur la laïcité, même si certains sont en désaccord. Il faudrait peut-être aller à la rencontre de ces femmes et de ces hommes ordinaires, qui font peu de bruit, prient en toute discrétion et vivent en bons citoyens. Leurs paroles pourraient peut-être changer nos perceptions de l’islam parce qu’on a tendance à détester ou à défendre aveuglément ce qui échappe à notre compréhension.
Dans toutes les religions, il y a des esprits forts qui mettent Dieu à leur main et s’en servent pour manipuler les plus faibles. Ils se cachent derrière Lui, prétendent suivre sa loi alors qu’ils sèment le désordre.
Quand on empêche des filles de jouer au soccer parce que ce sont des filles ou qu’on sépare les sexes, nous ne sommes plus au Québec. Il faut donc réagir en connaissance de cause et intelligemment, tout en espérant que ce qui émerge ne soit pas la pointe de l’iceberg.
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