Interdire les prières de rue ne se fera pas au nom de la laïcité

«S’il s’avérait nécessaire d’interdire les prières de rue, que ce soit au nom de la sécurité publique et du libre accès aux lieux publics, et non pas au nom de la laïcité», écrit l’auteur.
Photo: Alain Jocard Archives Agence France-Presse AFP «S’il s’avérait nécessaire d’interdire les prières de rue, que ce soit au nom de la sécurité publique et du libre accès aux lieux publics, et non pas au nom de la laïcité», écrit l’auteur.

Le premier ministre du Québec, François Legault, doit être rappelé à l’ordre à la suite du débat sur les prières en public qu’il a lancé inopinément et supposément au nom de la laïcité. La laïcité concerne l’État et ses institutions, et non l’espace public. Il importe de faire clairement cette distinction fondamentale et de ne pas englober dans un même ensemble les prières de rue et le fait de prier en public.

L’interdiction pure et simple de toute forme de prière en public pourrait difficilement faire l’objet d’une loi. Par contre, l’expression « prière de rue » désigne spécifiquement les rassemblements de prière organisés dans la rue ou sur les trottoirs par des pratiquants musulmans intégristes puisqu’il n’y a qu’eux qui s’adonnent à de telles activités de façon régulière. Les autres musulmans se contentent de prier à la maison ou à la mosquée et le font discrètement et silencieusement s’ils sont contraints de le faire en public.

S’il s’avérait nécessaire d’interdire les prières de rue, que ce soit au nom de la sécurité publique et du libre accès aux lieux publics, et non pas au nom de la laïcité. Pour occuper la rue ou un parc pour quelque raison que ce soit, il faut d’ailleurs détenir un permis. Les activités religieuses devraient-elles être admissibles ou non ? Elles sont déjà interdites par règlement dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.

Ce règlement exemplaire (que la mairesse de l’arrondissement a elle-même enfreint) date sûrement d’avant l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État. Et il n’a pas été nécessaire de recourir à la disposition de dérogation parce qu’un tel interdit ne brime pas la liberté de religion. Il ne fait qu’en limiter raisonnablement l’exercice dans des lieux publics qui doivent, par définition, demeurer accessibles à tous sans distinction de religion.

Dans une cause concernant la construction d’un lieu de culte des Témoins de Jéhovah à Saint-Jérôme, la Cour suprême du Canada a statué que le règlement de zonage municipal « ne laisse pas aux témoins de Jéhovah une liberté absolue de choisir l’emplacement de leur lieu de culte, cette limite [étant] nécessaire à la préservation de la sécurité et de l’ordre au sein de la municipalité et au bon usage de son territoire, et ne constitue pas une violation de la liberté de religion. Enfin, les Églises et leurs membres ne sont pas dispensés de tout effort, voire de tout sacrifice, notamment pour l’exercice de la liberté de culte. [Ils] doivent se conformer au règlement de zonage de la municipalité et construire leur lieu de culte dans la zone où cet usage est autorisé ».

Il en va de même, croyons-nous, pour la pratique de la prière, qui doit respecter le zonage municipal et s’exercer dans les lieux prévus à cet effet.

De plus, hormis les raisons culturelles ou festives, lorsqu’un permis pour occuper la rue est demandé, c’est habituellement pour une revendication politique ou pour soutenir une cause particulière. Quelle est la revendication des prières de rue tenues de façon ostentatoire ? La seule revendication est d’occuper l’espace public puisqu’il existe des lieux prévus pour l’exercice du culte. Amalgamer politique et religion, comme on l’a vu récemment, par une prière de rue islamiste avec ségrégation des sexes organisée face à la cathédrale Notre-Dame à Montréal au nom du soutien à la cause palestinienne montre bien que nous avons affaire à de l’islamisme politique militant, et non à une simple expression de foi.

Légiférer pour interdire cette emprise du religieux sur l’espace public risque de limiter les libertés de bien du monde. Dans ce cas, il ne faudra pas en blâmer le gouvernement, mais ceux qui défient nos lois et nos règles de civisme.

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