Le gouvernement envisage de solder les téléconsultations médicales

Alors que l’accessibilité des soins de santé est régulièrement critiquée, le ministère de la Santé ne comprend-il pas qu’il va contribuer à diminuer l’offre de services aux patients et à augmenter l’engorgement des cliniques médicales en modifiant les conditions de l’entente sur les téléconsultations médicales ?
L’entente permettant de facturer les téléconsultations médicales, mise en place lors de la pandémie, arrive à échéance le 31 décembre prochain. Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) semble vouloir profiter de cette occasion pour renégocier l’entente à la baisse, ce qui pourrait remettre en question la survie de cette pratique. Alors que le tarif actuel pour une téléconsultation est d’environ 40 $, le taux de rémunération projeté sera calculé en minutes, soit 6,22 $ pour 5 minutes. C’est à peine plus de 1 $ par minute pour être soigné par un médecin !
La relation d’aide médicale aux patients, tant au bureau qu’au téléphone, ne devrait pas être soumise au tic-tac des secondes et des minutes.
L’efficacité et la pertinence de la téléconsultation médicale ne sont pourtant plus à démontrer. Prenons cet exemple. Une patiente appelle le matin pour des symptômes urinaires ayant débuté la veille. Elle est rappelée par téléphone la journée même par son médecin. La patiente étant au travail, elle apprécie ce mode de consultation. Le médecin l’interroge sur ses symptômes, ses antécédents pertinents, il lui prescrit une analyse et une culture d’urine, lui explique de faire l’examen avant de commencer l’antibiothérapie, s’assure de la présence ou non d’allergies, lui explique les effets secondaires potentiels des antibiotiques.
Après l’appel, le médecin se réfère au dossier médical électronique pour vérifier les résultats de la fonction rénale de la patiente afin d’ajuster l’antibiothérapie puis s’assure de l’absence d’interaction avec ses autres médicaments, transmet la prescription d’antibiotiques à la pharmacie et rédige une note détaillée. Vous comprendrez bien la valeur d’une telle consultation et du temps que cela exige.
D’autres problèmes plus complexes sont réglés quotidiennement par des téléconsultations (crise de panique, état anxio-dépressif, idées suicidaires, contrôle des douleurs chroniques, etc.). Dans un tel contexte, pouvons-nous croire que le ministre Dubé et le premier ministre Legault tiennent à la pérennité de ce service pour nos patients, leurs électeurs ? C’est une offre de soins qui est pourtant très appréciée par la population.
Ainsi, une autre décision ministérielle s’improvise et s’ajoute aux multiples irritants et ingérences dans la pratique médicale. Faut-il alors s’étonner de l’exode qui touche les médecins de famille ? Plus de 50 postes en résidence de médecine familiale sont désertés chaque année depuis près d’une décennie au profit de la médecine spécialisée. De plus en plus, les médecins de famille quittent le réseau public québécois en raison de ses trop nombreuses impositions administratives. Certains se tournent vers d’autres provinces canadiennes et d’autres se replient sur le privé. Depuis « l’ère Barrette », le dénigrement envers les médecins de famille n’a pas cessé.
Pensons également aux patients les plus âgés, les moins ambulants, qui dépendent de leurs proches aidants pour leur transport. Dorénavant, ils pourraient devoir se rendre à la clinique pour tous leurs rendez-vous, ce que la téléconsultation permet d’éviter. Des informations fallacieuses sont très nombreuses sur certaines plateformes médiatiques. Depuis quelques années, en raison de la détérioration importante des conditions de travail, les médecins de famille arrêtent la pratique médicale plus tôt qu’ils n’avaient prévu de le faire au départ.
Le gouvernement n’est-il pas également responsable d’avoir provoqué l’exode des médecins de famille vers le privé par tout le fardeau administratif imposé par la pratique québécoise ? Maintenant que la grogne populaire sévit, le ministre Dubé s’insurge contre cette hémorragie dont son ministère est lui-même l’artisan.
Le gouvernement met en péril la médecine familiale par les multiples freins et injonctions imposés à la pratique. Les mesures apportées par le ministère de la Santé pour faciliter le travail des médecins de famille sont à ce jour très insuffisantes. Vouloir solder et minuter les téléconsultations médicales, c’est avant tout brimer les patients et accroître l’achalandage des cliniques médicales.
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