Faut-il revoir l’arsenal prolaïcité?

La Loi sur la laïcité de l’État proclame la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, mais aussi «la liberté de conscience et la liberté de religion», précise l’auteur.
Photo: iStock La Loi sur la laïcité de l’État proclame la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, mais aussi «la liberté de conscience et la liberté de religion», précise l’auteur.

La religion catholique n’est plus une menace au Québec, mais l’islam, dont la remontée en Occident est préoccupante, le serait-il ? Lors des débats entourant la Loi sur la laïcité de l’État, on s’est demandé s’il est plausible que les quelques douzaines d’enseignantes musulmanes portant le voile en arrivent à reconfessionnaliser les quelque 3000 établissements d’enseignement au Québec. Il faut être prudent et vigilant, mais ne pas paniquer inutilement.

Par contre, certains incidents préoccupants peuvent survenir, comme le suggère le comportement de quelques enseignants d’origine maghrébine à l’école Bedford, à Montréal, ces dernières années. Ces enseignants ont été suspendus par la directrice générale du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) ; leurs brevets l’ont également été par le ministre Bernard Drainville. Le chef du gouvernement dit avoir chargé le « ministre de la Laïcité, Jean-François Roberge, de prendre le temps d’examiner toutes les options » pour « renforcer les contrôles et la laïcité dans les écoles » à travers le Québec.

« Au Québec, on a décidé, il y a longtemps, de sortir la religion des écoles publiques », a rappelé M. Legault, avant d’ajouter : « On n’acceptera jamais de retourner en arrière. »

Selon les médias, des réflexions sont en cours à Québec sur l’opportunité de resserrer l’arsenal prolaïcité afin de stopper l’émergence du religieux dans les écoles et dans l’espace public. Le cas de l’école Bedford ne semble pas isolé ; dans quatre autres écoles de Montréal — Saint-Pascal-Baylon (primaire), Bienville (primaire), La Voie (secondaire) et Alphonse-Pesant (primaire) —, il y aurait des dérives semblables. De plus, il y aurait des célébrations religieuses qui sont apparues dans l’espace public ces derniers temps. Aussi parle-t-on de la tenue de prières musulmanes dans un parc de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville et dans des rues du centre-ville de Montréal.

Y aurait-il alors une raison de plus, pour le gouvernement, de revoir l’arsenal prolaïcité ?

La Loi sur la laïcité de l’État proclame la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, mais aussi « la liberté de conscience et la liberté de religion ». Elle comporte peu d’interdictions précises : l’interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes en autorité ; un membre du personnel d’un organisme public doit exercer ses fonctions à visage découvert. Cette loi concerne aussi la question des accommodements raisonnables. Elle n’interdit rien d’autre, pas même la prière au conseil municipal, ce qui a été fait par la Cour suprême !

Il ne faut pas confondre la loi et son application, notamment le respect de la liberté religieuse et les abus possibles qui peuvent être dénoncés, par exemple, à la Commission des droits de la personne. En milieu scolaire, diverses autorités sont aptes à recevoir ces dénonciations et à les corriger : le directeur de l’école, le centre de services scolaire, le ministre de l’Éducation, le Protecteur de l’élève (national et régional).

Quant à la prière dans les lieux publics, il ne faut pas oublier l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prescrit que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique […] la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement » ;  et cette « liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui ». Il appartient aux autorités municipales de réglementer cet accès et de surveiller les abus.

Rouvrir la Loi sur la laïcité de l’État n’est donc pas nécessaire ; ce serait même une erreur magistrale ! L’arsenal prolaïcité, nous l’avons déjà.

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