Entrons, ensemble, dans la résistance

«Les grandes mobilisations des dernières décennies ne doivent pas être oubliées», dit l’auteur. En photo, la grande marche pour le climat, en 2019.
Photo: Jacques Nadeau Archives Le Devoir «Les grandes mobilisations des dernières décennies ne doivent pas être oubliées», dit l’auteur. En photo, la grande marche pour le climat, en 2019.

Depuis quelque temps, l’idée circule que les progressistes porteraient des lunettes roses et auraient un récit propre au monde des licornes. Bref, on nous sert une série de clichés destinés à discréditer les idéaux de justice sociale qui, jadis, furent pourtant le moteur de la modernité et du volontarisme collectif.

Pendant ce temps, Donald Trump, avec son néoconservatisme de mouvement teinté de wishful thinking, impose son discours outrancier, quitte à rompre radicalement avec toutes les institutions sociales existantes. Nous évoluons désormais dans sa téléréalité, digne d’un roman dystopique : vassalisation du Canada, velléités d’accaparement du canal de Panama et du Groenland, et autres diktats imposés au gré de ses obsessions pour le contrôle et pour alimenter la division dans la population.

À ses côtés, Elon Musk, autoproclamé « Dark MAGA », s’inscrit dans une logique technoféodaliste, plongeant nos sociétés dans une obscurité nouvelle, en manipulant les campagnes électorales à l’échelle du globe grâce à son mégaphone médiatique acquis à coups de milliards. Les troupes de Trump et de Musk sont inexorablement en marche.

Je parle de ce tandem parce que nous sommes à quelques jours de leur installation à la Maison-Blanche, mais j’aurais tout aussi bien pu évoquer des enjeux plus locaux : le démantèlement des services publics québécois par un gouvernement qui a perdu toute légitimité, ou l’élection probable d’un gouvernement populiste à l’échelle du Canada. Ou encore des enjeux globaux : la destruction de Gaza et la complicité de celles et ceux qui, après la Deuxième Guerre mondiale, disaient « Plus jamais ça ».

Les démocraties libérales s’effondrent. Le climat se désarticule. La biodiversité décroît. Les guerres se multiplient. La pauvreté progresse. Et nous avons de plus en plus de mal à distinguer le vrai du faux.

Que faire, sinon sortir du fatalisme postmoderne, oser se projeter dans l’avenir, refuser cette idée qu’il n’y a plus de société, plus d’histoire, plus d’idéologie. Refuser que tout soit joué et qu’il ne reste plus qu’à s’adapter. Se rappeler qu’il y a, dans nos rapports humains, autre chose que des rapports technomarchands.

Cette année, j’ai beaucoup réfléchi au tableau hyperréaliste des fléaux qui nous guettent, présenté dans le rapport Perturbations à l’horizon. Rapport 2024, par Horizons de politiques Canada. Qu’elles soient sociales, environnementales ou économiques, ces projections ont de quoi glacer le sang. Plusieurs d’entre elles se sont déjà réalisées, et les autres semblent inévitables.

Mais pour l’année qui vient, je voudrais me concentrer davantage sur les possibles, sur les victoires et sur l’imaginaire des récits porteurs d’avenir. Car oui, il y a eu des victoires progressistes, et elles sont si importantes qu’elles provoquent une grande réaction. Cela explique, par exemple, le backlash antiféministe, la montée du masculinisme ou encore les mensonges outranciers à l’égard des personnes immigrantes ou des changements climatiques.

Les grandes mobilisations des dernières décennies ne doivent pas être oubliées : le mouvement altermondialiste, le Printemps arabe, et érable, la révolte des Gilets jaunes contre la hausse du coût de la vie en France, le mouvement international pour la justice climatique « Fridays for Future », ou encore le soulèvement actuel contre un génocide à Gaza, tel que dénoncé récemment par Human Rights Watch, Médecins sans frontières et Amnistie internationale.

Ces luttes, même si elles n’ont pas toutes permis des changements immédiats, maintiennent vivantes les possibilités de rupture avec ce qui nous est présenté comme allant de soi. Elles délégitiment les grandes et petites complicités à l’origine de ce qui détruit nos sociétés, nos vies et notre humanité.

À l’orée de 2025, les principaux risques, nous les connaissons. Mais quels progrès et opportunités entrevoyons-nous ? Où concentrer nos efforts ?

Face à la victoire électorale des nazis, Bertolt Brecht aurait dit : « Nous devons cesser d’avoir peur et entreprendre le travail de l’espoir. » Entrons, ensemble, dans la résistance.

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