Une élection sans climat, ou l’urgence d’agir face à l’indifférence politique

«Les conséquences de l’inaction sont bien réelles», dit l’auteur. En photo, une résidence détruite par une tornade à Très-Saint-Rédempteur, au Québec, en 2024.
Photo: Ryan Remiorz La Presse canadienne «Les conséquences de l’inaction sont bien réelles», dit l’auteur. En photo, une résidence détruite par une tornade à Très-Saint-Rédempteur, au Québec, en 2024.

La démission de Justin Trudeau comme premier ministre et chef du Parti libéral du Canada a suscité les inévitables réactions de la part des chefs d’opposition à Ottawa. Pourtant, à l’exception notable d’Yves-François Blanchet, aucun n’a abordé la question climatique.

Le chef du Bloc québécois a critiqué avec raison l’inaction du gouvernement libéral en matière de lutte contre les changements climatiques, car le bilan de M. Trudeau sur la question est largement de l’ordre du symbolique : qu’il semble loin, le temps où ce dernier, fraîchement élu, était reçu comme une star du rock lors de la COP21, à Paris ! Alors, certes, comme le soulignait Alexandre Shields dans ces pages il y a quelques jours, le Québec est très loin d’être irréprochable en matière de lutte contre les changements climatiques. Toutefois, il est difficile de ne pas relativiser ses lacunes lorsqu’on les compare aux insuffisances du gouvernement fédéral.

De leur côté, ni le populiste et climatodénialiste Pierre Poilievre ni Jagmeet Singh, pourtant chef d’un parti se réclamant du progressisme, n’ont parlé de climat alors que nous entrons dans un moment charnière de la politique canadienne. Il s’agit d’un silence aussi alarmant qu’accablant, car les équipes de conseillers ont pourtant eu plusieurs semaines pour parfaire les discours de leurs chefs.

On peut supposer que Pierre Poilievre, fidèle à ses positions, continuera d’éviter le sujet, préférant attaquer de façon pavlovienne les « taxes ». Son discours, depuis longtemps louvoyant sur les accords de Paris, ne constitue pas une option face à la crise climatique. Jagmeet Singh, quant à lui, a pris soin de proposer une liste de mesures sociales ambitieuses, en critiquant les conservateurs et les libéraux pour leurs échecs économiques et sociaux. Cependant, ces promesses restent bien fragiles si la question climatique, qui constitue une menace systémique majeure, n’est pas abordée avec la rigueur et l’urgence qu’elle exige.

Une étude de Kahn et coll. (2021) souligne que le Canada sera l’un des pays les plus durement touchés par la crise climatique en matière de perte de PIB par habitant. Cette projection illustre les coûts économiques massifs de l’inaction, alors que des solutions existent pourtant afin d’atténuer ces impacts, notamment en investissant dans la durabilité des infrastructures et la transition énergétique.

Le Canada, rappelons-le, affiche une empreinte environnementale parmi les pires des pays industrialisés. Notre dépendance aux hydrocarbures et nos lacunes en matière de transitions écologiques — qu’il s’agisse d’améliorer l’efficacité énergétique, de développer les transports collectifs ou de soutenir une économie basée sur les énergies renouvelables — compromettent l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, comme prévu par nos engagements internationaux. La réduction de 45 % des émissions d’ici 2030 et l’atteinte de la carboneutralité en 2050 resteront parfaitement illusoires si l’action politique ne s’accélère pas radicalement.

Au moment où des élections se profilent, nous ne pouvons ignorer le sujet du climat plus longtemps. Les conséquences de l’inaction sont bien réelles : feux de forêt dévastateurs, vagues de chaleur meurtrières et événements météorologiques extrêmes. Ces phénomènes affectent non seulement notre environnement, mais aussi notre économie, notre santé, notre sécurité et notre démocratie.

Si nous souhaitons un avenir aussi supportable que possible, il est impératif que l’environnement devienne une priorité dans les programmes électoraux et non une variable d’ajustement. Surtout, nous devons exiger davantage de nos leaders politiques, car s’ils sont incapables de parler de crise climatique à un moment politique aussi décisif, cela est de très mauvais augure pour leur capacité à affronter les défis colossaux qui nous attendent. Le Canada ne peut plus être un simple spectateur face à la crise climatique mondiale.

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