Clarifier l’avenir des zones inondables

Alors que la consultation gouvernementale sur le projet de modernisation du cadre réglementaire applicable aux zones inondables s’est récemment terminée, les cartes provisoires illustrant les futures zones inondables de la grande région de Montréal font couler beaucoup d’encre. Les barèmes ont changé pour tenir compte non seulement de la fréquence des inondations passées, mais aussi des hauteurs d’eau et des impacts attendus des changements climatiques, ce qui était nécessaire.
Si ces changements entraînent des craintes tout à fait légitimes, le débat gagnerait à être orienté sur les règles d’aménagement dont nous allons nous doter plutôt que sur les cartes elles-mêmes.
Le climat d’incertitude qui règne autour du nouveau régime proposé par le gouvernement s’explique en partie par le manque d’une vision claire de l’avenir des milieux de vie concernés. Tout porte à croire qu’à long terme, les restrictions à la rénovation et à la construction conduiront à des démolitions graduelles dans les zones à risque « élevé » ou « très élevé ». Si c’est ce que l’on souhaite, pourquoi ne pas mettre en place les programmes nécessaires à la relocalisation et au réaménagement de ces zones à d’autres fins ?
Pour les quartiers existants en zone à risque plus faible, le nouvel encadrement permettrait les constructions ou reconstructions, à condition qu’elles soient adaptées. Si nous nous entendons sur la pertinence de préserver ces milieux parce qu’il est possible d’y vivre malgré les inondations en toute sécurité, pourquoi ne pas l’assumer et adapter ces milieux de façon préventive ?
Le projet de modernisation propose plusieurs avancées majeures qui sont à saluer, mais sa nature très normative laisse peu de place à une réelle planification intégrée des milieux de vie bâtis et des zones inondables. Pourtant, l’encadrement des zones inondables devrait être abordé davantage sous l’angle plus large de l’aménagement durable du territoire.
Cela implique de planifier les transformations requises pour réduire les risques et protéger l’environnement de manière intégrée avec les autres éléments contribuant à la viabilité d’un milieu de vie : accès aux commerces et aux services de proximité, offre de transport diversifiée, mise en valeur du patrimoine culturel, réponse aux besoins en habitation, etc. En aménagement du territoire, la prise de décisions implique nécessairement la conciliation de différentes aspirations collectives.
Le projet de modernisation propose justement un outil de « flexibilité régionale » : les MRC pourront adopter des plans de gestion des risques liés aux inondations pour se doter de normes d’aménagement adaptées à leur contexte. Or, les territoires admissibles sont restreints et les critères à respecter sont si nombreux qu’il est permis de douter de leur portée réelle.
Valeur des propriétés
Dans un contexte de crise de l’habitation, les ménages financièrement vulnérables risquent d’être fortement affectés par la réduction de la valeur de leurs propriétés et la hausse des coûts de construction et de rénovation liés aux exigences d’adaptation des bâtiments.
Nous pensons notamment aux propriétaires ou locataires d’habitations de plus faible valeur, pour qui la compensation reçue du Programme général d’assistance financière lors de sinistres peut être insuffisante pour se reloger convenablement dans le marché actuel. Il nous apparaît évident que les programmes d’aide gouvernementaux devraient atténuer les disparités économiques, plutôt que de les accentuer.
L’absence de soutien pour l’adaptation préventive des résidences et des commerces dans les secteurs que l’on souhaite préserver est également préoccupante.
Une vision claire, un outil de planification régionale plus souple et des moyens conséquents pour l’adaptation aux inondations permettraient assurément d’apaiser le climat d’incertitude qui plane actuellement. Pour y arriver, l’arrimage des démarches en lien avec la révision du cadre de l’aménagement et celle de l’encadrement des zones inondables est nécessaire.
Surtout, n’oublions pas la détresse causée par les inondations de 2011, de 2017, de 2019 et de 2023 et préparons-nous pour faire face aux prochaines.
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