Les cadeaux d’hier seront les coupes de demain

Le gouvernement Legault s’active à combler un gouffre qu’il a lui-même creusé en accroissant largement les dépenses ces dernières années et en se privant de revenus, observe l’auteur.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le gouvernement Legault s’active à combler un gouffre qu’il a lui-même creusé en accroissant largement les dépenses ces dernières années et en se privant de revenus, observe l’auteur.

À l’approche des élections de l’automne 2022, le gouvernement Legault prévoyait un déficit de 1,4 milliard pour l’année 2024-2025. Aujourd’hui, le même gouvernement ne réussira probablement pas à contenir le déficit à 11 milliards pour l’année en cours. Pourtant, la pandémie est terminée et le Québec n’est pas en récession économique. Et l’effet Donald Trump est à venir !

Comme cadeau de Noël, M. Legault a déjà souhaité recevoir une batterie. Une calculatrice lui serait sans doute plus utile…

Pour tenter de maintenir le déficit à 11 milliards, Québec a enjoint à Santé Québec de réduire ses dépenses de 1,5 milliard. Beau « cadeau » de bienvenue pour sa p.-d.g, Geneviève Biron ! Fait rarement vu en éducation, on a retiré des sommes pourtant déjà allouées. Par exemple, 200 millions ont été retranchés aux centres de services scolaires en milieu d’année. Aussi, des montants importants pour l’entretien des bâtiments des cégeps et des universités ont été rappelés. En plus, on a coupé largement les budgets d’achats de livres dans les cégeps. Certains de ceux-ci ont maintenant moins de 10 000 $ pour mettre à jour leurs collections de volumes.

Francisation Québec a également retourné chez eux des milliers d’immigrants désireux d’apprendre le français, certains déjà assis en classe, tout en accusant les centres de services scolaires d’avoir mal géré ces budgets.

Pour les gestionnaires sur le terrain, il est toujours irritant d’entendre François Legault et des ministres dire que ces coupes ne doivent pas toucher les services directs à la clientèle, que seul le volet administratif peut être comprimé. Comme si ce dernier était optionnel.

Lorsque j’étais chargé de ressources matérielles dans un cégep, dont la superficie totalisait 600 000 pieds carrés, nous avions un technicien en mécanique du bâtiment qui gérait, à partir du sous-sol, les systèmes de ventilation, de chauffage et de climatisation de ce très grand édifice. Celui-ci n’était jamais en contact avec les étudiants. Mais combien important était son travail pour que toutes les activités d’enseignement se tiennent dans un environnement correct ! Le poste de celui-ci est aujourd’hui sujet à un gel d’embauche advenant son départ. Difficile pour les gens de se représenter un édifice de 600 000 pieds carrés, mais disons que cette superficie équivaut à 300 résidences de 2000 pieds carrés chacune. Presque un village ! Ça prend aussi une équipe d’entretien.

Malheureusement, les compressions ne font que commencer. Le gouvernement Legault prévoit un accroissement des budgets de 2,1 % en 2025-2026 et de 1,6 % en 2026-2027. Ces pourcentages seront bien en dessous des augmentations de coûts liées aux conventions collectives, à l’inflation, etc. Bien plus que de la discipline, comme le veut l’euphémisme du ministre des Finances, ce sera à nouveau l’austérité.

Il faut reconnaître au gouvernement Legault sa volonté de ne pas s’enfoncer indéfiniment dans les déficits, contrairement à ce qui s’est passé à Ottawa sous l’ère Trudeau. Il y a aussi la Loi sur l’équilibre budgétaire à respecter. Celle-ci n’autorise pas un déficit budgétaire supérieur à 1,5 milliard en 2028-2029.

Cependant, le gouvernement Legault s’active à combler un gouffre qu’il a lui-même creusé en accroissant largement les dépenses ces dernières années et en se privant de revenus. Dès son arrivée au pouvoir, Québec a uniformisé à la baisse la taxe scolaire, se privant de 1,3 milliard. En 2023, celui-ci a baissé les impôts des particuliers, se pénalisant de 1,8 milliard.

M. Legault est obsédé par notre soi-disant retard économique sur l’Ontario et notre fiscalité élevée. Pourtant, selon Pierre Fortin, économiste réputé, notre pouvoir d’achat en 2023 était supérieur de 2,4 % à celui des Ontariens, à cause des coûts moins élevés du logement, des frais de garde, des droits de scolarité, etc.

Le déficit structurel du Québec, c’est-à-dire celui qui ne se résorberait pas même si l’économie roulait à plein régime, avoisine les 4 milliards. C’est presque le montant de revenus dont le gouvernement s’est privé depuis son arrivée au pouvoir. Impossible de régulariser la situation sans une compression dans les dépenses ou… une hausse d’impôt.

Les « cadeaux » d’hier seront les coupes de demain !

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