Lettre d’amour au «Devoir»

Enfant, à la maison, les journaux étaient rares. Mon père achetait de temps à autre un tabloïd — qui n’existe plus aujourd’hui — dont les gros titres faisaient froid dans le dos et enlevait toute envie de lire plus loin. Le journal traînait pendant plusieurs jours avant de servir à diverses choses, dont le nettoyage des vitres.

C’est au cégep que j’ai été initiée et que j’ai pris goût au vrai journalisme, grâce à un professeur d’économie, feu Jean-Robert Sansfaçon, qui, avant même d’en devenir un éditorialiste puis le rédacteur en chef, était un ardent défenseur du Devoir. C’était, selon lui, le seul journal digne de ce nom au Québec. Le seul qu’il fallait absolument lire pour ne pas mourir idiot. Ma curiosité et mon goût d’en savoir plus sur la société y ont découvert des articles de fond, sans gaspillage de papier. Mon féminisme s’est nourri de signatures de femmes qui, déjà à l’époque et encore maintenant, m’inspirent. Je suis devenue totalement accro. Ainsi, depuis quatre décennies, c’est en lisant les articles et les éditoriaux de vos journalistes et collaborateurs que je suis quotidiennement la vie politique et économique du pays et de la planète.

Culturellement, c’est dans Le Devoir que j’ai dévoré le plus de textes donnant envie d’aller voir, entendre ou lire le meilleur d’ici et d’ailleurs. J’ai adoré la plume d’Odile Tremblay et je me régale toujours de celle de François Lévesque. J’admire la constance et la pertinence de Jean-François Lisée et de Jean-François Nadeau : les deux représentants, la rencontre ultime du style, de l’intelligence, de l’esprit et de la sensibilité. Finalement, depuis déjà plusieurs années, mon immense coup de cœur revient à leur collègue Josée Blanchette, dont je ne rate aucune chronique. Elle me touche, me fait rire, réfléchir et pleurer. Et ce, parfois dans la même page.

Il faut dire que je suis un peu moumoune. Je l’ai toujours été et ça ne s’améliore pas en vieillissant. C’est pour ça que, beau temps, mauvais temps, il me faut « mon » Devoir. Même les jours de verglas ou de tempête de neige, armée de crampons, je descends (et remonte) la côte abrupte où j’habite pour récupérer mon précieux exemplaire.

Le Devoir est devenu aussi essentiel que mon thé à mes matins de semaine et du samedi. Mes jours et même mes nuits (parce que je suis également fan du Sudoku et des mots croisés, qui eux m’accompagnent souvent au lit) seraient moins agréables sans mon vieil ami, maintenant plus que centenaire, Le Devoir.

Grâce au Devoir, je suis mieux informée et risque de mourir moins idiote.

Merci d’exister !

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