Lettre d’adieu à une enseignante
En ce début de la Semaine des enseignantes, j’adresse cette lettre à une jeune femme qui quitte le navire. D’autres l’ont déjà fait, et certaines sont à venir. Afin de préserver la vie privée de tous, les noms ont été changés.
Chère Sophie,
C’est une autre lourde perte pour le monde de l’éducation. Une autre femme investie et travaillante tire sa révérence. Comment ne pas être triste, préoccupée, choquée ?
Au Québec, nous avons dépassé la triste statistique de 25 % des jeunes enseignants qui quittent le milieu scolaire dans les cinq premières années de leur carrière ; nous en sommes maintenant à 30 %. Cette statistique varie légèrement selon les régions et les conditions de travail, mais elle met en évidence des défis importants liés à la rétention des enseignants, tels que la surcharge de travail, les conditions de travail difficiles et le manque de soutien.
Et que dire de la reconnaissance du travail accompli et des heures investies ? Seuls nos proches, témoins du temps et de l’amour investis auprès de nos élèves, sont en mesure d’évaluer la richesse du travail accompli.
Et que font nos dirigeants à cet égard ?
Chaque jour, dans nos milieux, on nous rappelle ce qui doit être fait et comment cela doit être fait.
On nous somme de nous former, de nous questionner sur nos pratiques, de comprendre, d’intervenir comme ceci mais pas comme cela, d’acheter là mais pas ici, de soigner pour ceci et pour cela, d’être bienveillant, comme ceci mais pas comme cela, de remplir des formulaires, celui-ci mais pas celui-là, de dire ceci mais pas cela…
On a beau débattre de ceci et de cela, amener des arguments ici et là, on ne nous entend pas.
Alors, il ne faut pas s’étonner que ça donne ceci et pas cela !
Et que feront nos gestionnaires pour corriger la situation ? Arriveront-ils avec des solutions innovantes ?
Les données probantes les inspireront-elles ?
En tiendront-ils compte ?
Celles qui nous quittent seront-elles interrogées sur les motifs de leur départ ?
Ce serait une bonne façon de procéder pour améliorer les conditions de pratique de ces travailleuses et de nous prouver, une fois pour toutes, que l’éducation est LA priorité au Québec.
Chose certaine, Sophie, il faudra que tu gardes avec toi, et pour toujours, le souvenir de huit parents immigrants qui se sont mobilisés et se sont rendus à l’école pour comprendre les raisons de ce drame qu’ils vivaient : le départ de madame Sophie.
Pour eux, assurément, tu as été une figure d’attachement, de bienveillance et d’autorité assez importante pour qu’ils réagissent à ton départ.
Prends-le comme un coup de chapeau. Bonne chance pour la suite !