Le légendaire Yvan Ponton revient à l’improvisation

Pionnier puis pilier des grandes années des matchs d’improvisation de la Ligue nationale d’improvisation (LNI), Yvan Ponton est de retour. L’acteur sera de la nouvelle saison qui débute le 2 février au MTelus, à Montréal, où 37 comédiens vont se démener. Pourquoi ce retour ?
« L’an passé, on m’a invité, en Belgique, à arbitrer à l’occasion de la dixième Coupe du monde d’improvisation. J’ai tellement aimé ça que, lorsque je suis revenu au Québec, j’ai téléphoné à la ligue pour savoir si je pouvais recommencer à jouer. À ma grande surprise, ils ont dit oui avec beaucoup d’enthousiasme. Alors je vais reprendre mon rôle d’arbitre cette année, pour quelques parties », explique Yvan Ponton, le regard brillant, l’air heureux.
Au programme de la saison qui débute : 15 matchs réguliers, 2 demi-finales, une finale décisive et le Match des étoiles. Yvan Ponton trépigne. « En Belgique, tout à coup, je me suis retrouvé dans un bain de vie extraordinaire. La flamme de l’improvisation m’est revenue ! C’est la liberté à laquelle j’ai goûté de nouveau. »
L’improvisation fut, dans les années 1970, une véritable innovation du monde du théâtre québécois. Yvan Ponton en fut un des pionniers, jusqu’à en devenir une véritable figure tutélaire. Son personnage d’arbitre à l’air sévère, inflexible, atrabilaire, a marqué les esprits. Au point où Ponton a par la suite enfilé, au cinéma comme au petit écran, des rôles de composition de la même famille. Le coach de la série Lance et compte, c’est lui. Il jouera aussi dans Les Boys, comme il l’avait fait dans Slap Shot.

« Comme arbitre de la LNI, j’en ai reçu, des claques en caoutchouc ! Alors, quand on me demande aujourd’hui si le public me manque, je réponds non », dit-il en rigolant. Le théâtre fut pour lui sa grande porte d’entrée sur scène. « J’étudiais en pédagogie, à l’École normale Jacques-Cartier. Puis, on s’est dit qu’on devrait monter une pièce de théâtre pour le carnaval. » De fil en aiguille, il se retrouve sur scène. « Je voyais les gens rire. Et j’ai adoré ça. Je me suis dit que c’était ce que je voulais faire : jouer. » Il est admis au Conservatoire. La fin de semaine, il joue dans un restaurant de Farnham. Il fait ses classes auprès de Paul Buissoneau, dans sa célèbre roulotte.
Un théâtre expérimental
Au départ, l’impro était une avenue grande ouverte au nom du théâtre expérimental. « C’était la quête de Robert Gravel, qui était aux côtés de Jean-Pierre Ronfard. Robert avait essayé avec des jeux de cartes, un genre de Monopoly, tu avances, tu prends une carte… Ça ne fonctionnait pas. Comme il était passionné par le hockey et le baseball, il s’est imaginé une forme de transposition de ces jeux. Des règles ont été mises en place. On les a adaptées. Comme arbitre, j’en ai suggéré d’autres, pour sortir les comédiens de leur zone de confort. Et ça a marché ! »
En un rien de temps, les gens font la file pour assister aux parties. Nous sommes en 1977. « On jouait le samedi soir, vers minuit, pour que les comédiens qui sortaient de leur soirée au théâtre puissent venir. Et on jouait aussi le lundi soir, parce que le théâtre fait relâche. C’est devenu comme un show du Off Broadway. »

Le succès est en effet aussi extraordinaire qu’inattendu. Il est bientôt décuplé par le truchement de la télé. Depuis, l’aventure ne s’est jamais arrêtée. Elle a essaimé dans le monde entier. « On m’a demandé d’aller arbitrer dans des écoles primaires. On joue partout ! Yvon Leduc [un des cofondateurs du concept de match d’improvisation] prépare le 50e anniversaire avec un show à la télé. L’improvisation, c’est le plaisir pur. »
Briser la glace
Le vrai hockey était le fait d’un monde quasi muet. Les grandes vedettes du hockey s’avéraient peu loquaces. Un Maurice Richard ne parlait pour ainsi pas. Il en allait de même pour un Guy Lafleur. Comment, tout d’un coup, faire brûler les paroles sur la glace même ?
« Au Conservatoire, tous mes profs ou presque étaient français. On jouait du théâtre français. Un jour, on a mis en scène une pièce québécoise, Les comédiens de Roger Dumas. Ç’a été comme une révélation. » Cette pièce avait été présentée au public une première fois en 1968. « C’était du jamais vu : on jouait du québécois ! On nous enseignait à jouer du Feydeau, du théâtre de boulevard. Je n’étais pas à l’aise avec ça… J’avais toujours l’impression d’être à côté de quelque chose. À la télé, je voyais des films de cow-boys. Je me disais qu’ils devaient être heureux de jouer là-dedans. Je me disais que je voulais jouer aux cow-boys… Qu’est-ce que ça voulait dire ? Je me suis rendu compte alors que j’étais nord-américain plus que français. »

Quand il se retrouve dans la peau d’un entraîneur de hockey au bénéfice de la série Lance et compte, Yvan Ponton connaît une sorte de révélation. « Dans Lance et compte, comme coach, je devais faire des speechs de vestiaire. Je ne savais pas trop… J’essayais… Le texte était encore un peu pincé. Des phrases commençaient par “Messieurs” ; ce n’était pas ça… Je me suis lancé. Et puis, ceux qui avaient des rôles secondaires, des figurants, des gars qui avaient déjà joué dans la Ligue américaine de hockey, sont venus me voir pour me dire : “C’est exactement ça”. J’ai découvert un autre théâtre qui me plaisait plus. »
Pendant les tournages de Lance et compte, au milieu des années 1980, le comédien a souvent l’occasion de discuter, avant les entraînements des Nordiques au Colisée de Québec, avec Michel Bergeron, le fougueux entraîneur de l’équipe. « Je suis allé le voir à son bureau. J’allais à la galerie de la presse. Je regardais les journalistes travailler devant Bergeron. Ils écrivaient leurs papiers sur le bureau du coach. Parfois, il y avait des patins sur le bureau… Je regardais. J’écoutais. J’apprenais la posture du coach. »
Le personnage imaginé par Réjean Tremblay pour la série était calqué sur Scotty Bowman, l’entraîneur des Canadiens. « Il manquait d’épaisseur. J’avais Michel Bergeron en tête. Il gueulait. Il montait sur les bancs, sur les bandes… Puis j’ai pris aussi le modèle de Jacques Lemaire. Tout ça a donné mon personnage de Jacques Mercier. »
La réalité de la fiction
La réalité est-elle soluble dans la fiction ? « Un jour, dans la série qui opposait les Nordiques aux Whalers de Hartford, un journaliste a demandé à Bergeron si les chances étaient bonnes de se rendre à la coupe Stanley. Bergeron m’a pointé du doigt. “Demandez-le à ce gars-là”, a-t-il dit. “Il en a gagné une, lui, une coupe Stanley !” »
Comment l’acteur Yvan Ponton s’est-il retrouvé à décrire, à la télévision, le plus sérieusement du monde, des parties du circuit de tennis international ? « Après Lance et compte, quelqu’un a eu l’idée, un été, de mettre Michel Bergeron et moi dans une émission “sportive”, une ligne ouverte. On a commencé en suivant les Expos. Michel Bergeron connaît bien le baseball. J’ai joué aussi, comme j’ai joué et arbitré des vrais matchs de hockey. Et j’ai joué pas mal au tennis… Quand on nous a envoyés pour parler des internationaux de tennis, Michel n’avait pas grand-chose à dire. Alors, j’ai occupé l’espace ! Je racontais ce que je voyais. Je me suis intéressé à la vie des joueurs. Et les patrons de RDS sont venus me voir pour me dire qu’ils aimeraient faire un essai avec moi. Tout a commencé comme ça. » Il vient de terminer, pour la télé, la description des Internationaux d’Australie. Depuis 30 ans, il sourit encore devant cette fusion qui s’est opérée entre la fiction et la réalité.