«On n’est pas sortis du bois» face aux tarifs, croit Legault

Même si la décision de Donald Trump de repousser d’au moins un mois l’arrivée des tarifs sur les importations canadienne est une « bonne nouvelle », François Legault n’est « pas certain qu’on est sortis du bois ». « On ne sort pas le champagne tout de suite », a lancé le premier ministre du Québec en citant l’incertitude qui continue de planer sur l’économie de la province.
« C’est un peu ça qui est achalant avec Trump. On a toujours une épée au-dessus de nos têtes, ce n’est pas bon en économie », a-t-il déclaré. « C’est mieux d’avoir une mauvaise nouvelle que de l’incertitude. »
En réponse à la volte-face du président américain, les mesures de représailles du gouvernement provincial seront mises sur pause. L’alcool américain restera donc — pour le moment — sur les tablettes de la Société des alcools du Québec.
M. Legault a tout de même assuré que « les mesures restent en tête », même si elles ne sont pas immédiatement appliquées. Les programmes d’aide à court terme aux entreprises et aux employés prévus sont également en pause, et ce, jusqu’à la potentielle reprise des tarifs. « On était prêts à mettre en place des programmes dès cette semaine », a indiqué le premier ministre.
Quelques heures avant l’annonce du sursis pour le Canada, M. Legault a affirmé qu’« il va falloir voir l’économie du Québec d’une nouvelle façon », et ce, que la menace tarifaire de Donald Trump se concrétise ou non. Une idée qu’il a ensuite réitérée à plusieurs reprises.
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Une « dépendance » aux États-Unis
De ce fait, François Legault a annoncé qu’il allait tout de même « bonifier » certains programmes d’aide aux entreprises à plus long terme. « Le Québec, depuis 20-25 ans, a à peu près 71 % de ses exportations qui vont aux États-Unis. Donc on est beaucoup trop dépendants », a-t-il soutenu.
« Je m’attends [à ce] que d’ici quatre ans, l’économie du Québec ne soit pas la même que celle que l’on connaît aujourd’hui », avait lancé M. Legault plus tôt dimanche en marge de rencontres avec des acteurs du monde des affaires.
« Je ne dirais pas que c’est une tâche qui est facile », a reconnu d’emblée François Legault en rappelant tout de même que le Québec a « des avantages ». L’aéronautique, Hydro-Québec et l’industrie des métaux font partie « des secteurs dans lesquels [le Québec] a développé une expertise », a-t-il affirmé.
Autre solution pour que l’économie québécoise évolue hors de sa « dépendance » aux États-Unis : la fin des barrières interprovinciales. « On a la chance d’être tous unis, les dix provinces, les trois territoires. Bien là, il faut plus échanger ensemble et voir s’il y a des produits qui sont achetés aux États-Unis qui pourraient être achetés dans une autre province », a dit M. Legault.
Finalement, le premier ministre a avancé l’idée de développer notre relation avec l’Europe, le tout dans le but de « diversifier nos marchés » et de redonner aux entreprises l’envie d’investir. « [Elles] n’investissent pas quand il y a de l’incertitude », a-t-il rappelé.
Le p.-d.g. d’Hydro-Québec, Michael Sabia, participait notamment à la rencontre avec François Legault. Ce dernier a indiqué qu’avec la société d’État, ils allaient « accélérer les investissements » en 2025 pour augmenter le nombre d’emplois créés dans le domaine de la construction.
En réaction aux mesures qu’a prises Ottawa pour obtenir le sursis d’un mois pour les tarifs — notamment une présence canadienne plus importante à la frontière —, François Legault a reconnu que « M. Trump voulait une victoire ». Mais il « aurait fait la même chose », « si c’est ça que ça prend pour que Trump ne mette pas de tarifs ».
Perte de crédibilité
Le premier ministre a également jugé que le retournement de situation avait contribué à une perte de crédibilité pour le président américain. « Je pense que ça enlève un peu de crédibilité à sa démarche d’annoncer quelque chose le samedi à 5 h, puis de changer d’idée le lundi à peu près à la même heure. […] Mais, en même temps, il en a parlé pendant toute sa campagne, il n’y a rien de gagné pour le long terme. Pour l’instant, on est contents, mais il faut continuer d’envisager le pire », a-t-il déclaré.
Au sujet de Starlink, une entreprise d’Elon Musk avec laquelle le premier ministre de l’Ontario a annoncé vouloir déchirer son contrat en guise de représailles aux tarifs, M. Legault a exprimé qu’il souhaitait également « sortir du contrat », mais qu’il ne voulait pas mettre en jeu l’accès à Internet des Québécois ou risquer une poursuite judiciaire.
« Je n’aime pas le propriétaire », a-t-il glissé, tout en assurant qu’il cherchait à trouver une solution pour rompre les liens « de façon intelligente ».
Dans une déclaration écrite transmise au Devoir, le député du Parti Québécois (PQ) Pascal Paradis rappelle qu’il y a deux semaines, son parti « avait abordé de front la question de la diversification de nos exportations et proposé des solutions à cet effet ».
Le PQ avait entre autres proposé « de détaxer tout nouveau revenu d’exportations des entreprises qui développent de nouveaux marchés pour une période déterminée » et « d’envoyer nos missions commerciales et nos diplomates ailleurs dans le monde qu’aux États-Unis ». Le tout dans le but de « commencer tout de suite à faire ce qui aurait dû être fait depuis de nombreuses années », indique M. Paradis.