Legault appelé à s’opposer au site d’enfouissement nucléaire de Chalk River

Le premier ministre québécois, François Legault
Photo: Christinne Muschi La Presse canadienne Le premier ministre québécois, François Legault

Malgré les demandes répétées d’une centaine de municipalités et des échanges tenus il y a un an avec la communauté anichinabée de Kebaowek, le gouvernement de François Legault refuse toujours de désavouer publiquement le controversé projet d’enfouissement de déchets nucléaires de Chalk River. La députée de Québec solidaire Manon Massé a écrit personnellement au premier ministre, lundi, pour qu’il prenne position.

Sa missive, adressée également au ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a été acheminée au Bureau du premier ministre la veille de la visite à l’Assemblée nationale du chef de la communauté de Kebaowek, Lance Haymond, qui demande depuis presque dix ans qu’une solution de remplacement au projet soit dénichée. En conférence de presse, mardi, ce dernier a de nouveau demandé au gouvernement québécois de se ranger à ses côtés en prenant position contre la future installation de gestion des déchets près de la surface.

Approuvé il y a un an par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, le projet de Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) vise à enfouir plus d’un million de mètres cubes de résidus radioactifs de faible intensité à proximité de la ville ontarienne de Deep River, à environ un kilomètre de la rivière des Outaouais, qui délimite la frontière entre l’Ontario et le Québec.

Du côté québécois, une centaine de municipalités s’y opposent, tout comme une série de communautés autochtones et de groupes environnementaux. Tous craignent une éventuelle contamination du cours d’eau qui alimente des millions de Québécois, de Gatineau à Montréal, en passant par plusieurs autres municipalités.

« Les risques sont faramineux. S’il y avait contamination, de dangereux isotopes comme le tritium, le césium 137 et d’autres matières du genre pourraient se retrouver dans la rivière des Outaouais, affectant la santé et l’existence d’un nombre incalculable de gens », a lancé le chef Haymond depuis l’hôtel du Parlement, mardi.

« Silence » à Québec

Dans sa lettre au premier ministre, Manon Massé cite une « catastrophe annoncée ». Elle exige « que le gouvernement du Québec sorte de son mutisme et désavoue publiquement le projet de déchets nucléaires à Chalk River ».

« Je m’explique mal le silence de votre ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs et encore moins le vôtre sur un projet aussi controversé et potentiellement dangereux pour les écosystèmes de la rivière des Outaouais et l’approvisionnement en eau potable de plusieurs milliers de nos concitoyens. Le statu quo n’est plus une option ; on ne niaise pas avec la santé et la sécurité des gens », a-t-elle écrit.

Bien qu’absent de la conférence de presse avec le chef Haymond, le Parti québécois s’oppose également au projet d’enfouissement. La formation politique avait d’ailleurs présenté deux motions l’an dernier pour condamner le feu vert accordé à LNC.

En Chambre, mardi, le ministre Benoit Charette a défendu la position adoptée jusqu’ici par son gouvernement, rappelant qu’il avait déjà fait part de ses inquiétudes par rapport au manque de consultation des communautés autochtones au gouvernement fédéral.

« Il faut comprendre que la responsabilité revient au gouvernement fédéral de faire appliquer sa loi », a-t-il dit en réponse aux questions du député solidaire Alexandre Leduc. « On veut que le fédéral fasse sa job. Quand il nous rappelle de consulter, ça se fait de son côté à lui aussi », a enchaîné le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.

Selon le ministre Charette, Québec solidaire fait dans la « pensée magique » en demandant à Québec de s’opposer au projet sans proposer d’option de remplacement. « Il y a sur le site, depuis plusieurs années, voire quelques décennies, de l’entreposage de déchets radioactifs. On ne parle pas d’approvisionnement futur […] Le projet vise aussi à sécuriser ces déchets-là pour éviter […] des accidents au niveau des déchets nucléaires », a-t-il soulevé depuis le Salon rouge.

Il y a environ un an, le ministre Charette avait rencontré la communauté de Kebaowek avec son collègue Lafrenière. Douze mois plus tard, Lance Haymond s’explique mal que le gouvernement reste campé sur sa position.

« Quand nous disons que le projet est à Chalk River, on nous répond souvent : “C’est en Ontario, pourquoi est-ce que ça devrait inquiéter le Québec ?” Bien, la moitié de la rivière des Outaouais est au Québec, et les déchets nucléaires n’accordent pas d’importance au côté où ils atterrissent », a-t-il lancé.

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