Laval veut imposer une nouvelle taxe pour les terres en friche

29% du territoire de Laval est composé de zones agricoles, dont seulement la moitié est réellement cultivée.
Photo: Getty Images 29% du territoire de Laval est composé de zones agricoles, dont seulement la moitié est réellement cultivée.

Près de 30 % du territoire de Laval est composé de zones agricoles. De ce pourcentage, seulement la moitié est réellement cultivée, en très grande partie à cause de la spéculation immobilière : les propriétaires laissent dormir leurs terres dans l’espoir de voir le zonage changer. Le maire de Laval a annoncé mercredi une nouvelle taxe sur les terres non cultivées, qui permettra selon lui de récolter 1,1 million de dollars annuellement. Mais plus de 50 millions seront requis pour mener le projet de rachat et de remise en état à terme, selon les calculs du Devoir.

Depuis une trentaine d’années, la Ville de Laval, à travers Agriculture Laval, un organisme à but non lucratif, a réussi à accumuler un fonds de 5,2 millions de dollars grâce à la surtaxation de ces terres non cultivées, qui correspondent à la moitié des terres zonées agricoles. À présent, le maire Stéphane Boyer souhaite utiliser ce fonds pour acheter des lots propices à l’agriculture actuellement détenus par des investisseurs privés. Plus de 1100 hectares sont donc dans la mire de Laval. Le maire indique que les propriétaires espèrent un changement de zonage pour pouvoir les revendre au prix fort le moment venu.

Mais M. Boyer est catégorique : « Ça fait des années qu’on dit au Québec qu’il faut valoriser l’agriculture locale. On trouve ça désolant de voir les terres rester aux mains de propriétaires spéculateurs qui ne cultivent pas leurs terres. Il y a quelques années, on a envoyé une lettre à tous les propriétaires qui ne cultivent pas leurs terres à Laval pour leur dire que leurs terres n’allaient jamais être dézonées et que la Ville était intéressée à leur racheter. »

La nouvelle taxe vise à accélérer le processus. Cette mesure servira à la mise sur pied d’un second fond, qui soutiendra la remise en état de ces lots après leur achat, pour les préparer à la vente et à l’exploitation agricole. Il s’agira, entre autres, de désherber, d’améliorer le drainage et de niveler le sol. La Ville estime pouvoir accumuler 1,1 million de dollars par an avec cette nouvelle redevance.

Un projet qui tarde à voir le jour

La Ville de Laval, soutenue par l’Union des producteurs agricoles, tente de récupérer les terres non cultivées pour les remettre en agriculture depuis les années 1990. Aujourd’hui, Stéphane Boyer espère pouvoir racheter les 1107 hectares de terres en friche considérées comme propices à la culture. Ce projet, fort ambitieux, nécessitera un investissement de 55 millions — soit près de 39 millions pour le rachat et 16 millions pour la transformation. Au rythme de la nouvelle taxe, et avec le fond existant, il faudrait donc plus de cinq décennies pour voir les terres agricoles cultivables de Laval en action.

« Ils veulent mettre la main sur plus de mille hectares […]. À quel prix ces nouvelles terres pourront-elles être vendues ? Comment ça va se faire ? » questionne, en entrevue avec Le Devoir, Nicolas Mesly, journaliste, agronome et auteur du livres Terres d’asphalte.

M. Mesly déplore la récente perte de terres agricoles lavalloises lors de l’élargissement par le gouvernement provincial d’un segment de l’autoroute 19. La construction d’une nouvelle station-service a aussi posé problème à des agriculteurs locaux, tout récemment. « Ça a enclavé deux producteurs. C’est une force sournoise de l’étalement urbain […] La Ville de Laval, s’il y a bien un endroit qui est massacré, c’est bien là, et ça continue de l’être malgré les bonnes volontés des élus », lance-t-il.

Ces réserves sont partagées par Gilles Lacroix, président du syndicat de l’Union des producteurs agricoles à Laval, qui déplore que les 5,2 millions amassés jusqu’ici n’aient pas été utilisés jusqu’à aujourd’hui.

« C’est quelque chose qui était attendu, mais est-ce qu’on va livrer la marchandise, ça, c’est une autre question », estime l’agriculteur. « On a une cagnotte de plus de 5 millions depuis un certain temps, mais les producteurs n’en voient pas vraiment la couleur », ajoute-t-il, désemparé.

Il existe selon lui des pistes de solutions concrètes qui pourraient avoir des effets immédiats dans la vie d’une famille de producteurs, si les 5,2 millions déjà accumulés étaient utilisés à bon escient, mais il déplore que les agriculteurs soient considérés comme des « quidam » par les élus lors des prises de décision.

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