Les kinésiologues dénoncent que Québec mise sur la prévention, mais abolit des postes

Comme d’autres professionnels de la santé, les kinésiologues écopent des compressions dans le réseau de la santé.
Photo: Chris Young La Presse canadienne Comme d’autres professionnels de la santé, les kinésiologues écopent des compressions dans le réseau de la santé.

Pendant que le ministère de la Santé planche sur une Stratégie nationale de prévention en santé, des postes de kinésiologues sont supprimés dans le réseau de la santé même s’ils jouent un rôle essentiel dans la prévention.

Le gouvernement a mandaté Santé Québec il y a plusieurs mois pour qu’il élimine 1,5 milliard $ de dépenses afin de renouer avec l’équilibre budgétaire dans le réseau. Comme d’autres professionnels de la santé, les kinésiologues écopent des compressions.

Depuis janvier seulement, la Fédération des kinésiologues du Québec (FKQ) a calculé que plus de 20 postes ont été supprimés, dont au moins 8 postes en soutien à domicile aux aînés au CISSS du Bas-Saint-Laurent.

Il y a aussi eu 10 postes supprimés au CISSS de la Montérégie-Est, dont le poste de la kinésiologue Valérie Aimé au Centre d’expertise en maladie chronique.

Mme Aimé, qui pratique la kinésiologie depuis 2011 et qui s’est spécialisée en réadaptation cardiaque et pulmonaire, occupait un poste permanent depuis avril 2023 au CISSS de la Montérégie-Est. Son poste sera aboli le 22 mars, mais la date pourrait être repoussée pour « qu’il n’y ait pas de bris de service pour les patients en cours ».

En plus de Mme Aimé, une autre kinésiologue et quatre nutritionnistes ont vu leur poste être supprimé. Cette équipe s’occupait de patients dans les régions de Sorel, Saint-Hyacinthe et Longueuil. « J’ai de la difficulté à comprendre comment ça n’affectera pas directement le service aux patients », a commenté Mme Aimé.

Dans son quotidien, elle entraîne des patients qui ont subi une crise cardiaque dans la dernière année et des patients qui vivent avec une maladie pulmonaire obstructive chronique. Le volet éducation de son équipe de travail, qui comprend l’éducation des personnes atteintes de diabète, d’hypertension ou de cholestérol élevé, par exemple, ne sera pas affecté, seulement le programme de réadaptation, dit-elle.

La FKQ déplore l’incohérence des suppressions de postes par Santé Québec alors qu’en mars, la Santé publique devrait commencer des consultations sur la stratégie de prévention en santé. Dans ce contexte, la Fédération des kinésiologues demande qu’un moratoire soit appliqué sur les suppressions de postes stratégiques pour la prévention en santé.

Le président de la FKQ, Marc-Antoine Pépin, remet en question la stratégie du gouvernement alors qu’il a eu la confirmation que la Fédération allait être consultée dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention. « On coupe d’un côté, mais on va récréer des postes dans quelques mois ? Il y a un peu une incohérence », dénonce-t-il.

M. Pépin a fait savoir qu’il avait eu récemment une rencontre avec le cabinet du ministre de la Santé pour lui faire part de ses commentaires sur la situation. Il a dit avoir senti « une belle écoute » et il se serait fait dire qu’il y aurait des suivis pour assurer une cohérence.

Réduire la durée d’hospitalisation

Les kinésiologues peuvent agir à plusieurs niveaux en prévention, notamment au niveau de la santé mentale, pour prévenir les conséquences de maladies chroniques et pour le maintien de la condition physique, surtout pour les personnes âgées. « Une personne qui se déconditionne va nécessiter plus de soins, plus de ressources », précise M. Pépin.

Les kinésiologues qui travaillent sur les étages en milieu hospitalier offrent aussi une plus-value au réseau, et malheureusement, ce service n’existera plus en Montérégie Est. « Ce sont des kinésiologues qui travaillent en prévention du déconditionnement sur les étages d’hospitalisation. […] Il y a eu des patients, qui normalement, on les aurait transférés en CHSLD, mais parce qu’ils ont bénéficié de traitement en kinésiologie durant leur hospitalisation, ils sont finalement retournés à domicile », affirme Mme Aimé.

« Ils ont prouvé qu’ils réduisaient la durée de l’hospitalisation, ajoute-t-elle. Alors je me dis que si on enlève ce service-là, il va y avoir des hospitalisations qui vont se prolonger. »

Particulièrement pour les personnes âgées, le retrait de ce service peut affecter de façon importante leur qualité de vie lorsqu’elles sortent d’une hospitalisation.

Depuis 2021, il y a eu une explosion du nombre de kinésiologues au sein du réseau de la santé, passant d’environ 350 à 693 avant les coupes. M. Pépin craint que les suppressions de postes aient pour effet de briser cet essor. Il souligne que leur pratique amène « une nouvelle façon de travailler la santé », notamment en prévention.

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