La justice climatique, alliée des droits de la personne

Aurélia Crémoux
Collaboration spéciale
Avocats sans frontières Canada travaille depuis plus de dix ans sur un dossier de réparation de dommages environnementaux et sanitaires subis par la communauté Anchicayá, en Colombie.
Photo: Photo Click digital pour ASF Canada Avocats sans frontières Canada travaille depuis plus de dix ans sur un dossier de réparation de dommages environnementaux et sanitaires subis par la communauté Anchicayá, en Colombie.

Ce texte fait partie du cahier spécial Coopération internationale

Avocats sans frontières Canada (ASFC) aide les personnes dont les droits ont été violés à accéder à la justice et à demander réparation auprès de différentes instances. Au cours des quatre dernières années, Karine Ruel, la nouvelle directrice générale d’ASFC, a constaté une augmentation des dossiers de plainte en lien avec la justice climatique.

« Si on ouvre les nouvelles ce matin, on parle des impacts drastiques des changements climatiques, souligne-t-elle. [Chez ASF], nous savons depuis longtemps que ces impacts sont exacerbés sur les populations qui sont vulnérables. »

Mme Ruel et son équipe ont notamment constaté que les déplacements forcés liés aux catastrophes climatiques, comme les inondations ou les sécheresses, augmentent les risques pour cette population de tomber dans les mains de trafiquants. « On voit de plus en plus le lien entre la traite de personnes, les déplacements de population et les changements climatiques », précise-t-elle.

Les fondamentaux de la justice climatique

Pour Karine Ruel, œuvrer pour la justice climatique peut permettre de protéger les droits fondamentaux des individus, et ce, à travers trois volets.

« Il y a d’abord la question de la prévention : comment peut-on mettre en place des règlements, comme l’Accord de Paris, de sorte que le droit puisse être utilisé pour prévenir ce type de crise [climatique et humanitaire] ? » explique-t-elle.

Ensuite, il faut protéger les populations vulnérables. « Cela veut dire mettre en place des projets d’adaptation au climat, que ce soit au Canada ou dans les pays que le Canada soutient à l’international », précise Mme Ruel. Selon elle, des crises comme la pandémie de COVID-19, les conflits armés et les catastrophes climatiques ont aussi une répercussion sur la vie des Canadiens. « Ils le voient dans leur porte-monnaie, mais aussi dans les tensions que cela crée dans leurs communautés », illustre-t-elle.

Afin de mettre en place ces systèmes de protection, la directrice générale plaide pour mobiliser l’expertise des populations qui vivent sur place : « Les communautés vivent là depuis très longtemps, elles ont des mécanismes, des solutions qu’on peut parfaitement utiliser et entendre », souligne-t-elle. Mme Ruel estime également qu’il est primordial de travailler avec la jeune génération de juristes, aussi bien au Canada que dans les pays où ASFC intervient. Toutefois, cela s’avère parfois être un défi, surtout dans des pays où les droits de la personne ne sont pas au centre de la formation des avocats, comme au Mali, selon elle.

Le dernier volet est axé sur la réparation, « le plus important » pour Karine Ruel et son équipe. « Ce n’est pas juste un engagement éthique ou moral, les pays ont des engagements internationaux, et, notamment, ils ont l’obligation de réparer lorsqu’il y a des violations de droits. » Selon elle, ces engagements permettent d’accompagner les avocats et les populations pour faire des dossiers emblématiques, qui font bouger les choses.

Par exemple, ASFC travaille depuis plus de dix ans sur un dossier de réparation de dommages environnementaux et sanitaires subis par la communauté Anchicayá, en Colombie : en 2001, une compagnie hydroélectrique ouvre les valves de son barrage, et des sédiments toxiques qui y étaient piégés se déversent dans la rivière Anchicayá, près de laquelle la population réside. « Toute la communauté a été affectée, les moyens de subsistance ont disparu, cela a causé des problèmes de peau […], relate Karine Ruel. Les jeunes ont dû partir de la communauté pour avoir un projet de vie. » Le Conseil d’État a finalement reconnu l’indemnisation des collectivités, dans un arrêt en juillet 2021. La communauté d’Anchicayá a même reçu le Prix national des droits de la personne pour avoir été le processus collectif de l’année dans le pays.

2025, une année décisive

« On est dans une année cruciale parce qu’on attend des décisions majeures, au niveau du système européen et interaméricain des droits de l’homme, qui vont guider les États dans leurs obligations », explique Karine Ruel.

En effet, en décembre dernier, plus d’une centaine de pays et d’organisations internationales ont participé à des audiences à la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye. La CIJ devrait rendre un avis juridique cette année après avoir examiné, en vertu du droit international, les obligations des États pour lutter contre la hausse des émissions de gaz à effet de serre et les conséquences juridiques d’un échec à le faire.

Selon l’organisme Human Right Watch (HRW), « l’avis de la Cour sera d’une grande importance pour les millions de personnes déjà touchées par le réchauffement planétaire et pour bien d’autres qui risquent de subir des préjudices dans un avenir immédiat. »

Présente à la COP 29, qui s’est tenue à Bakou en novembre 2024, la directrice générale d’ASFC a constaté une véritable prise de conscience collective de la force du droit pour amener des changements et influencer les politiques. Elle donne pour exemple la victoire historique d’un groupe de femmes suisses, pour la plupart âgées de plus de 70 ans, devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). À la suite de leur action en justice, la Suisse a été reconnue coupable d’inaction climatique, une décision qui va influencer le droit dans les 46 pays membres de la CEDH.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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