Une jeune baleine noire empêtrée dans l’estuaire du Saint-Laurent

Une jeune baleine noire empêtrée dans un engin de pêche a été observée lundi dans l’estuaire du Saint-Laurent, au large de Rimouski. Elle nage dans un secteur où circulent plusieurs navires commerciaux, mais puisqu’il n’existe aucune limite de vitesse pour protéger l’espèce dans cette zone, les navigateurs sont simplement « invités » par Transports Canada à « réduire leur vitesse volontairement » afin d’amoindrir les risques de tuer le cétacé.
Cette baleine noire femelle âgée d’un peu plus de 1 an est désormais aux prises avec les deux principales menaces à la survie de son espèce depuis plusieurs années : les empêtrements dans les engins de pêche et les collisions avec les navires.
La menace d’une collision potentiellement mortelle est d’ailleurs prise au sérieux par Transports Canada. Le Devoir a obtenu un courriel envoyé lundi par ce ministère fédéral à des représentants de l’industrie maritime industrielle, à des représentants du secteur des pêches et à d’autres représentants d’entreprises qui sont liées à la navigation sur le Saint-Laurent.
Il faut dire que la baleine se trouvait lundi dans l’estuaire du Saint-Laurent, entre Forestville et Rimouski, un secteur où les navires qui remontent ou qui descendent le cours du fleuve sont nombreux. Or, contrairement aux zones du golfe qui sont soumises à des mesures saisonnières limitant la vitesse des navires à 10 noeuds (18,5 km/h) en cas d’observation d’une baleine noire, il n’existe aucune mesure du genre dans l’estuaire.
Dans ce contexte, Transports Canada ne peut que suggérer un ralentissement. « Les navigateurs sont invités à réduire leur vitesse volontairement afin de ne pas excéder une vitesse maximale de 10 noeuds », précise le courriel. « Il est demandé aux navigateurs de rester vigilants et [de] faire preuve de prudence dans les eaux canadiennes afin d’éviter les collisions avec les baleines », ajoute le ministère fédéral.
Pêches et Océans Canada n’avait pas répondu à nos questions au moment de la publication de ce texte. C’est ce ministère qui peut notamment coordonner une éventuelle opération visant à libérer l’animal empêtré, en collaboration avec une équipe basée dans les Maritimes et des experts américains de l’espèce.
Comme la jeune baleine noire a été observée empêtrée pour la première fois le 22 juin au large du Nouveau-Brunswick, l’idée de libérer l’animal a été évoquée dans un courriel précédent de Transports Canada. Fait à noter : il n’existe au Québec aucune équipe autorisée à désempêtrer une baleine noire. Pour le moment, il n’est pas possible de savoir si une opération sera tentée dans l’estuaire.
Mortalité
La baleine noire de l’Atlantique Nord est considérée comme étant « en voie de disparition », en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada. De plus en plus présente dans le golfe du Saint-Laurent, surtout en été, cette espèce passe la saison hivernale le long de la côte est américaine, essentiellement dans le sud de cette région.
Ses habitats d’alimentation, de migration et de mise bas se trouvent donc dans des zones d’activité humaine intense.
L’espèce compte environ 360 individus, tout au plus, dont moins de 100 femelles en âge de se reproduire. Et à la suite de la plus récente saison des naissances, 5 des 19 nouveaux baleineaux sont déjà décédés.
Des efforts de protection avaient pourtant permis de faire augmenter la population à environ 500 individus en 2010. La situation s’est toutefois aggravée, notamment en raison d’une mortalité exceptionnelle. En 2017, pas moins de 17 baleines noires adultes ont été retrouvées mortes, dont 12 en eaux canadiennes.
C’est d’ailleurs à la suite de ces décès que le fédéral a mis en place des mesures de protection de l’espèce dans le golfe du Saint-Laurent. En plus des limites de vitesse qui peuvent être imposées aux navires, des zones de pêche peuvent être fermées en cas de présence de baleines noires.
Pratiquement toutes les femelles qui ont donné naissance lors de la saison 2023-2024 ont déjà été victimes de plus d’un empêtrement, selon les données de l’Aquarium de la Nouvelle-Angleterre. L’une de ces femelles a même été empêtrée à huit reprises au cours de sa vie.
Une « baleine urbaine »
La baleine noire peut atteindre une taille de 18 mètres et un poids de plus de 60 tonnes. Chaque individu est reconnaissable aux taches blanches uniques qu’il porte sur sa tête, appelées callosités. Il s’agit d’une espèce qui se nourrit essentiellement de copépodes, de petits crustacés qu’elle filtre à l’aide de ses fanons.
La baleine noire est parfois qualifiée de « baleine urbaine » puisqu’elle vit près des côtes, notamment lors de la période de mise bas, au large des États américains de la Géorgie et de la Floride. Cela la rend particulièrement vulnérable aux collisions avec les navires et aux empêtrements dans les engins de pêche.
La baleine noire, appelée « right whale » en anglais, a été décimée par des siècles de chasse commerciale. Elle était une cible privilégiée des baleiniers parce qu’elle flotte une fois morte et qu’elle fournit une bonne quantité de graisse, que l’on faisait fondre pour produire de l’huile.