Jasmin Roy a aussi été «insistant» auprès du cabinet de la ministre Martine Biron

À la lecture du dossier du «Devoir», «je me suis bien assurée que [mon ministère] n’avait rien donné, puis on n’a rien donné», a souligné la ministre Martine Biron.
Photo: Karoline Boucher La Presse canadienne À la lecture du dossier du «Devoir», «je me suis bien assurée que [mon ministère] n’avait rien donné, puis on n’a rien donné», a souligné la ministre Martine Biron.

Le comédien Jasmin Roy est « insistant » au point où il a déjà contacté des membres du cabinet de la ministre Martine Biron dans l’espoir d’obtenir du financement pour certains de ses projets, a révélé l’élue mardi.

« Pas moi personnellement », a répondu Mme Biron quand des journalistes lui ont demandé si M. Roy l’avait déjà contactée pour faire pression sur elle. « Mais au sein de mon cabinet, oui. Il est insistant, mais je ne peux pas dire qu’il y avait du harcèlement ou quoi que ce soit. Mais oui, il a été insistant », a-t-elle affirmé.

La ministre Biron, de qui relève le Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie, a précisé que son ministère avait toujours refusé les demandes de M. Roy puisque celles-ci ne cadraient pas avec les programmes en vigueur.

À la lecture du dossier du Devoir mardi, « je me suis bien assurée qu’on n’avait rien donné, puis on n’a rien donné », a-t-elle souligné.

Le Devoir a révélé mardi que la fondation de Jasmin Roy, qui est une figure populaire de la lutte contre l’intimidation, a fait l’objet de favoritisme de la part du ministère de l’Éducation. M. Roy aurait eu plusieurs échanges avec le cabinet. « Il avait l’oreille du politique, il le savait et il le disait. S’il n’était pas d’accord, il disait au professionnel : “Je vais aller parler au ministre et il va dire oui.” Et c’est ce qu’il faisait. Il a fait l’objet de favoritisme », rapportait d’ailleurs un témoin dans un rapport du Protecteur du citoyen obtenu par Le Devoir.

Drainville dénonce l’intimidation

Treize sources ont aussi rapporté au Devoir que M. Roy aurait agi en « intimidateur » à leur égard.

Le cabinet du ministre actuel de l’Éducation, Bernard Drainville, a transmis une déclaration mardi dans laquelle il dénonce les gestes d’intimidation. Le ministre affirme aussi avoir mené des vérifications et avoir conclu que, « depuis [son] arrivée en poste, le ministère n’a octroyé aucune aide financière à Jasmin Roy ou à sa fondation ».

Dans un rapport publié en novembre 2022, le Protecteur du citoyen avait rendu publiques les conclusions d’une enquête qui révélait des cas « flagrants » de favoritisme au sein d’un ministère. Le ministre Drainville avait dévoilé que le ministère en cause était celui de l’Éducation, en précisant que le rapport visait le ministère de son prédécesseur libéral. En marge du rapport, le ministère avait d’ailleurs reconnu « la proximité de certains organismes avec le cabinet ministériel ».

Deux semaines plus tard, le Protecteur du citoyen avait apporté certaines nuances aux conclusions de son enquête en précisant que celle-ci « portait sur le fonctionnement administratif du programme de subventions » et non sur des individus en particulier.

L’opposition dénonce l’intimidation

À l’Assemblée nationale, le chef libéral intérimaire, Marc Tanguay, s’est dit « surpris » et « étonné » des révélations au sujet de M. Roy. « Je pense que le conseil d’administration de la fondation doit avoir des conversations avec M. Roy. Je pense que la mission est essentielle, mais je pense qu’il doit y avoir un examen de conscience pour la suite des choses », a-t-il ajouté.

La co-porte-parole de Québec solidaire Ruba Ghazal s’est dite inquiète des « agissements inacceptables » décrits dans l’enquête du Devoir. « Il faudrait voir si [le gouvernement] ne devrait pas faire une enquête pour s’assurer, avant de faire affaire avec cette fondation-là, que ces agissements-là ont arrêté, a-t-elle ajouté. Il ne faudrait pas que ce qui a été révélé dans l’enquête nuise à la mission de cette fondation. »

Le député péquiste Pascal Paradis, lui, a dénoncé l’intimidation, inacceptable à son avis dans tous les contextes. « Il faut la dénoncer en tout temps et en tout lieu », a-t-il lancé. « On apprend par l’enquête qu’il pourrait y avoir eu des passe-droits ou des accélérations ou des interventions — notamment au niveau du cabinet — de dossiers qui avaient été par ailleurs rejetés par les travailleurs de l’État, par les fonctionnaires qui traitaient les dossiers. Et ça, ce n’est pas acceptable. Ça va être très important d’aller au fond de cette affaire-là, de poser les bonnes questions et surtout d’avoir des réponses », a-t-il ajouté.

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