L’industrie canadienne des sucreries vulnérable aux tarifs douaniers

Selon des experts, l’industrie canadienne du sucre et des confiseries serait durement touchée si le pays entrait dans une guerre commerciale avec les États-Unis.
« Le sucre et la confiserie se distinguent comme l’un de ces secteurs, surtout à court terme, qui dépendent fortement des États-Unis et qui pourraient donc subir d’importantes répercussions des tarifs américains », affirme Amanda Norris, économiste principale de Financement agricole Canada (FAC).
Cette industrie est l’un des secteurs agroalimentaires les plus vulnérables du Canada, car plus de 80 % de ses ventes sont des exportations vers les États-Unis, selon FAC.
Le Canada et les États-Unis sont actuellement au cours d’une trêve d’un mois après que le président américain, Donald Trump, a menacé d’imposer des tarifs douaniers sur les importations canadiennes.
Le Canada a annoncé qu’il riposterait en imposant ses propres tarifs.
Sébastien Pouliot, consultant économique en agriculture et alimentation, avance que, si les États-Unis introduisaient des tarifs généralisés sur les biens canadiens, les États-Unis pourraient commencer à importer davantage de produits de confiserie d’autres pays, notamment d’Europe.
« Je m’attendrais à ce qu’il y ait une baisse significative des exportations de produits de confiserie vers les États-Unis [depuis le Canada] dans ce cas », invoque M. Pouliot.
Les données commerciales montrent qu’en 2024, le Canada a exporté 5,3 milliards de dollars de sucre et de produits de confiserie vers les États-Unis. Il est le premier fournisseur de produits de confiserie aux États-Unis, devant le Mexique et l’Allemagne, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Le Canada exporte également du sucre raffiné, les États-Unis étant de loin son plus gros client à l’exportation. Selon l’Institut canadien du sucre, le Canada a expédié près de 60 000 tonnes de sucre raffiné aux États-Unis en 2023.
L’industrie canadienne du sucre et de la confiserie est « surdéveloppée » par rapport aux États-Unis, explique M. Pouliot, car les prix du sucre sont plus attractifs au nord de la frontière.
Le prix du sucre est nettement moins cher au Canada en raison des quotas et des tarifs protectionnistes existants aux États-Unis, précise M. Pouliot.
Cela donne aux entreprises qui fabriquent au Canada un avantage lorsqu’il s’agit de fabriquer des bonbons et d’autres confiseries. « Ce sont les entreprises qui contournent les tarifs », ajoute-t-il.
Conséquences pour les entreprises
Les tarifs douaniers et les tarifs de rétorsion actuellement sur la table auraient « d’importantes répercussions financières négatives » sur la société canadienne Rogers Sugar et sa filiale d’exploitation Lantic, indique la société dans un communiqué de résultats daté du 6 février.
Le fabricant de chocolat Cadbury Mondelēz International, qui a des activités au Canada, précise quant à lui dans son rapport de résultats que toute escalade du conflit commercial « poserait un risque important » pour ses ventes et ses coûts d’intrants.
Parmi les autres marques multinationales de confiserie ayant des activités de fabrication au Canada, il y a Hershey, Nestlé et Mars.
Certaines entreprises cherchent déjà des moyens de s’adapter à l’incertitude qui pèse sur elles au cours des quatre prochaines années, indique Lisa McEwan, copropriétaire de Hemisphere Freight and Customs Brokerage, qui aide ses clients, notamment les fabricants de confiseries, à importer et exporter entre les États-Unis et le Canada.
« L’une des principales préoccupations est que les marges ne peuvent tout simplement pas supporter une augmentation de 25 %, explique Mme McEwan. Ce n’est pas faisable. »
À court terme, l’industrie canadienne ne peut pas faire grand-chose pour répondre aux tarifs douaniers, affirme M. Pouliot.
Si les tarifs douaniers semblent perdurer, les multinationales vont « envisager plus sérieusement de construire de nouvelles usines aux États-Unis », dit-il.
Si le Canada riposte, cela aura également un impact important sur les produits importés, comme les emballages, indique de son côté Mme Norris.
C’est ce qui inquiète les entreprises canadiennes qui ne dépendent pas des États-Unis pour leurs ventes, comme Purdy’s Chocolatier, établi à Vancouver, qui fêtera son 118e anniversaire plus tard cette année.
L’entreprise importe des matières premières essentielles, en particulier des noix, des États-Unis, explique le président Lawrence Eade.
Par exemple, les pacanes utilisées dans les Sweet Georgia Browns, un produit phare de l’entreprise, viennent effectivement de Géorgie, dit-il.
« Nous n’allons pas contourner cela. Nous n’allons pas les remplacer », indique-t-il.
Parallèlement, l’industrie doit également faire face à une hausse importante des prix du cacao alors que les agriculteurs sont aux prises avec des conditions météorologiques extrêmes.
Le huard étant relativement faible en ce moment, cela pourrait aider à compenser une partie des pressions exercées par les tarifs douaniers potentiels des États-Unis, selon Mme Norris, car cela rend les importations canadiennes un peu moins chères.
Mais d’un autre côté, la faiblesse du huard rend les importations en provenance des États-Unis — comme les emballages — plus chères. « C’est donc un exercice d’équilibre », ajoute-t-elle.
Il y a un point positif pour les entreprises comme Purdy’s : la montée du « acheter canadien » incite les consommateurs de tout le pays à privilégier les produits canadiens.
« C’est absolument le moment pour Purdy’s de crier haut et fort ce que signifie être une entreprise canadienne », conclut M. Eade.