«Il n’y a eu aucun repas au restaurant»: l’OCPM dit avoir fait le ménage dans sa gestion

Le président de l'Office de consultation publique de Montréal, Philippe Bourke, à son bureau
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Le président de l'Office de consultation publique de Montréal, Philippe Bourke, à son bureau

À l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), les repas au restaurant aux frais des contribuables, c’est fini. Un an après son entrée en poste à la présidence de l’organisme — d’abord à titre intérimaire —, Philippe Bourke assure que l’ère des dépenses inappropriées est terminée après la tourmente qui a secoué l’Office en 2023.

« Il n’y a eu aucun [repas au] restaurant depuis que je suis là et aucune dépense du président sur rien pantoute, explique-t-il en entrevue au Devoir. Et les voyages, on a arrêté ça. »

La controverse qui a éclaboussé l’OCPM commandait une austérité budgétaire. Mais cette frugalité s’est instaurée parallèlement à une clarification du statut de l’organisme qui était devenue nécessaire. Québec a donc modifié la Charte de la Ville de Montréal afin d’y préciser que les employés de l’OCPM sont des employés municipaux. L’Office est désormais assujetti au même processus budgétaire et aux mêmes encadrements administratifs que tous les autres services de la Ville, et les dépenses de son président doivent être approuvées par la trésorerie de la Ville, ce qui n’était pas le cas auparavant. « Une des causes qui ont mené à ce qu’on a vécu, c’est une mauvaise compréhension de ce que veut dire l’indépendance d’une organisation comme celle-là. Ce n’est pas une indépendance absolue. »

Rappelons qu’en novembre 2023, les médias de Québecor avaient révélé que, à de nombreuses reprises, les dirigeants de l’OCPM avaient utilisé des fonds publics pour payer des repas coûteux dans des restaurants, ainsi que des voyages à l’étranger dont les bénéfices sont demeurés flous. Ces révélations ont mené au congédiement de la présidente de l’Office, Isabelle Beaulieu, et à la démission de sa prédécesseure, Dominique Ollivier, de son poste de présidente du comité exécutif de la Ville. L’organisme a été placé sous tutelle.

Au sein de l’Office, le poste de secrétaire général, occupé auparavant par Guy Grenier, a été remplacé par un chef de bureau ayant des fonctions administratives plus claires. Philippe Bourke indique que les autres employés de l’OCPM, qui n’étaient pas visés par la controverse, sont demeurés en place.

Biologiste de formation et environnementaliste, Philippe Bourke a présidé le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) de 2017 à 2022 avant d’être embauché par Hydro-Québec. Il était d’ailleurs à Hydro-Québec lorsque l’OCPM a été frappé par la tempête. Comme il a de l’expérience en gestion et en consultation, le défi l’intéressait. « Je ne suis pas un superhéros. Je pense que j’étais la bonne personne au bon moment, et j’avais l’appui de l’administration de la Ville et des élus. »

Il reste tout de même du travail à faire. Même si les voyages à l’étranger ont été mis sur pause, il ne faut pas les exclure pour toujours, car le rayonnement de l’organisme est important, croit Philippe Bourke.

L’OCPM est encore ébranlé par la crise qu’il a traversée, et il lui faudra du temps pour regagner la confiance du public, mais Philippe Bourke croit que son existence est importante. « Son rôle est essentiel dans la démocratie, dans le développement de la ville et dans un monde de plus en plus polarisé. »

Itinérance et acceptabilité sociale

L’organisme a d’ailleurs entrepris une consultation sur l’itinérance à la demande de la Ville. Selon M. Bourke, c’est l’opposition vigoureuse à l’implantation d’un refuge pour itinérants dans Ahuntsic-Cartierville — le projet a été abandonné en juillet dernier — qui a incité la Ville à se tourner vers l’OCPM. Auparavant, d’autres projets avaient suscité de vives réactions, comme l’ouverture d’un centre de services de jour à la Maison Benoît Labre, située à côté d’une école, et le projet d’achat de l’église Sainte-Bibiane pour y accueillir une clientèle sans abri. « Les besoins sont criants, on le sait, mais là, la résistance que rencontraient les élus pour favoriser de tels projets a fait réaliser à la Ville que les dossiers ne pouvaient être traités à la pièce. »

L’OCPM devra donc formuler des recommandations à la Ville pour traiter ces dossiers en s’attardant aux enjeux de cohabitation et aux conditions de succès dans l’implantation de telles ressources. À l’automne, l’OCPM a entrepris une série de rencontres avec les organismes et les chercheurs œuvrant dans le domaine de l’itinérance ainsi qu’avec la Société de transport de Montréal et le Service de police de la Ville de Montréal.

L’Office se heurte toutefois à une difficulté de taille : celle d’attirer les citoyens et les itinérants eux-mêmes. L’organisme a dû faire preuve de créativité pour joindre ces acteurs importants, allant même jusqu’à organiser un jeu de rôles et présenter une pièce de théâtre.

Selon M. Bourke, il est beaucoup plus facile d’impliquer les citoyens dans des projets précis qui les touchent directement, comme une ressource à ouvrir ou la piétonnisation permanente de la rue Wellington, qui fait l’objet d’une consultation ces jours-ci. Il a donc fallu dépêcher des brigades pour interpeller les citoyens dans les lieux publics.

Le phénomène « pas dans ma cour » côtoie un sentiment d’injustice ressenti par les citoyens qu’il faut écouter, dit-il. « Il faut se positionner entre les conditions de vie des personnes [itinérantes] et la qualité de vie des autres. Ce n’est pas facile. Ça interpelle des notions d’éthique et de vivre-ensemble », avance M. Bourke.

Le président de l’OCPM ne peut prévoir les conclusions des commissaires responsables du dossier. Il pourrait être question de distances à respecter avec les résidences et les écoles, de consultations à mener en amont et de rôles à clarifier entre Québec et la Ville, suggère-t-il. Le dépôt des mémoires est prévu pour la fin février, et le rapport devrait être déposé au début juin.

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