Il faut un plan pour le métro
C’est la saison des budgets dans le secteur municipal. L’occasion est propice pour scruter de plus près l’organisation du transport dans la région métropolitaine, ce joli foutoir miné par la lourdeur des administrations publiques et la multiplication des structures.
La Société de transport de Montréal (STM) ouvrait le bal cette semaine en dévoilant son budget 2025. Pour la première fois en quatre ans, l’organisme atteint l’équilibre financier, entre autres en raison de l’augmentation de la taxe sur l’immatriculation des véhicules à partir de janvier. Le budget de 1,8 milliard, en hausse de 0,2 % sur un an, prévoit une réduction des dépenses de 16 millions qui fait suite à des compressions totalisant 165 millions dans les trois dernières années. Il y aura suppression de 78 postes et une légère diminution du service de métro et d’autobus.
La STM est loin d’être tirée d’affaire pour autant. Sa directrice générale, Marie-Claude Léonard, a sonné l’alarme sur la dégradation des équipements, qui est sur le point de compromettre la mission, dit-elle. En l’espace de dix ans, les bris d’équipement sont passés d’un peu plus de 60 à 154 par année. Les signalements d’actifs en état critique se sont multipliés par trois depuis 2018. La fermeture récente de la station Saint-Michel et celle de stations de la ligne verte au printemps 2023 sont des signes précurseurs d’un avenir morose marqué par l’enchevêtrement de la hausse des coûts, des risques accrus pour la sécurité des usagers et des casse-tête logistiques pour assurer la continuité du service.
Bref, le « réseau est vieux [et] a besoin d’investissements », résume le président de la STM, Éric Alan Caldwell. Le coût du maintien des actifs d’ici 2034 est évalué à 10,7 milliards de dollars. Une fraction des projets sont inscrits au Plan québécois des infrastructures, soit pour 800 millions. M. Caldwell demande à Québec un investissement récurrent de 560 millions. C’est la pérennité du métro, joyau du transport collectif dans la région métropolitaine, qui est en jeu.
Il est facile de perdre de vue l’importance du métro dans l’offre de transport montréalais. C’est la colonne vertébrale du réseau, à laquelle se rattachent la plupart des trajets d’autobus. Le métro, c’est 25 000 personnes par heure qui vont du point A au point B par un mode de transport durable. C’est une arme de destruction massive du bilan carbone qui enlève 21 000 voitures des rues toutes les heures. Le financement pérenne des coûts d’entretien devrait être un acquis afin qu’on puisse se concentrer sur l’expansion du métro dans les zones de l’agglomération où il y a déjà une forte densité urbaine.
D’une certaine manière, le déficit d’entretien du métro renvoie l’écho du délabrement des écoles publiques, avec le résultat qu’on connaît : moisissures, fermetures prolongées, délocalisation d’élèves, démolitions. Selon les données officielles, 56 % des immeubles du réseau scolaire sont jugés en mauvais ou en très mauvais état. La négligence chronique a fait gonfler le déficit d’entretien à près de 8,5 milliards et force le gouvernement à investir massivement dans la rénovation et la reconstruction des écoles. C’est la destination qu’on souhaite pour le métro ?
Ces questions essentielles se posent alors que le ministère des Transports et de la Mobilité durable vient de publier ses audits de performance des activités des 10 sociétés de transport du Québec et de l’Autorité régionale de transport métropolitain. L’analyse, confiée à Raymond Chabot Grant Thornton, avait été demandée par la ministre Geneviève Guilbault dans la foulée de son bras de fer avec les sociétés en question. Même si elle a fait l’objet de vives critiques, l’initiative s’avère utile. Parmi les solutions novatrices, signalons la formule de transport à la demande pour les lignes ou les plages horaires à faible achalandage, la mutualisation des activités de sûreté et de contrôle ou encore les achats regroupés de carburants.
Le rapport cible la réalisation d’économies potentielles de 346 millions au moyen de solutions qui font grincer des dents, comme la privatisation partielle de certains services et des assouplissements dans les conventions collectives. Tout d’un coup, la « patate chaude » revient dans le camp du gouvernement, car les sociétés de transport ne pourront pas accomplir ces miracles sans que Québec modifie le Code du travail.
Les syndicats sont déjà braqués contre les audits. Ils ont raison de se méfier de la privatisation puisque le transport public demeure avant tout une mission que doit remplir l’État pour assurer l’équité dans la mobilité, la cohérence dans l’aménagement du territoire et l’atteinte des objectifs de carboneutralité (si une telle chose est encore possible). En revanche, un peu de flexibilité et d’agilité dans les conventions collectives ne nuiraient pas.
Ces audits ne régleront pas la question du déficit d’entretien, qui commande des investissements massifs et récurrents. On aurait tort d’en ignorer la totalité des conclusions, ce travail démontrant qu’il y a nettement place à l’amélioration et à l’innovation dans l’organisation du transport collectif.
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