De l’urgence d’inverser la tendance au prochain budget

Le prochain budget doit avoir pour principal objectif de reconstruire notre filet social, fait valoir l’autrice.
Photo: Annik MH De Carufel Archives Le Devoir Le prochain budget doit avoir pour principal objectif de reconstruire notre filet social, fait valoir l’autrice.

Monsieur le Ministre des Finances, nous prenons la parole aujourd’hui pour vous enjoindre, ainsi que le gouvernement, non seulement à renoncer à toute mesure d’austérité susceptible de fragiliser plus avant le filet social, mais à réinvestir massivement dans son renforcement.

Les organisations membres de notre coalition sont aux premières loges de la dégradation du filet social québécois, laquelle s’est opérée par le fait des politiques néolibérales déployées par les gouvernements qui se sont succédé depuis plus de 40 ans.

En choisissant les baisses d’impôt au détriment des réinvestissements en santé et services sociaux, en opérant des réformes inspirées de l’entreprise privée au lieu de celles appelées par les intervenants sur le terrain, en privilégiant la privatisation au renforcement des services publics, en risquant imprudemment des fonds publics dans des projets économiques fragiles au lieu d’investir dans la santé de la population, ces gouvernements ont, sans surprise, contribué à forger ce qui aujourd’hui constitue une crise sociale sans précédent.

Sur le terrain, nous sommes chaque jour témoins de la détresse que génère notre incapacité collective à agir efficacement sur des enjeux aussi fondamentaux que le logement, la sécurité alimentaire, la pauvreté ou l’itinérance. Nous sommes chaque jour témoins des moyens qui manquent cruellement aux systèmes publics de santé et de services sociaux et aux organismes communautaires pour répondre aux besoins de la population. Nous n’hésitons pas à dire aujourd’hui que c’est l’équilibre de notre société qui est fragilisé et que cette situation, indigne du Québec, entraîne des coûts économiques et sociaux qui dépassent largement ce qu’il en coûterait pour renforcer le filet social.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans un contexte marqué d’incertitude économique, politique et sociale, notamment en raison de ce qui se passe au sud de la frontière. Lorsqu’on a récemment évoqué, sous la forme d’une menace à peine voilée, l’intégration du Canada aux États-Unis, les toutes premières choses qui ont été mises de l’avant pour faire valoir notre unicité ont été notre système public de santé, notre société plus égalitaire et moins violente.

Or, nous qui sommes sur le terrain voyons chaque jour une dégradation marquée de ces fondements. Le système public craque de partout et se privatise de manière accélérée, principalement au Québec, où on compte 46 fois plus de médecins qui se désaffilient du régime public que dans le Canada tout entier. Les inégalités sont en croissance et la montée de la violence et l’intolérance sont indéniables.

Ne sachant pas ce qui nous pend au bout du nez, le prochain budget doit avoir pour principal objectif de reconstruire notre filet social, et donc d’investir dans le système public de santé et de services sociaux, dans le secteur communautaire et dans les déterminants sociaux de la santé. Une population en santé est une population forte. On doit garder ce qui fait notre fierté en tant que Québécois. C’est la toute première condition pour que nous puissions passer à travers ce qui s’en vient.

Pour ce faire, il vous faudra agir de manière décisive, notamment en remettant en question les dogmes qui nous ont conduits là où nous sommes aujourd’hui, et trouver le courage de réviser notre fiscalité afin de trouver les revenus nécessaires là où ils se trouvent, et renoncer à la privatisation, plus chère, plus injuste, et moins efficace.

Monsieur le Ministre Girard, au lendemain du dépôt du budget, il n’y aura nulle explication, nul indicateur, ni rien qui justifiera que dans une des sociétés les plus riches au monde, on choisisse de laisser la situation sociale se dégrader. Vous avez le pouvoir de renverser la vapeur, maintenant. Agissez.

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