Un sommet pour que l’IA réalise sa promesse initiale de progrès et d’émancipation

L’intelligence artificielle (IA) est plus qu’une révolution industrielle et technologique. Elle porte le potentiel d’un profond changement de paradigme de nos sociétés, dans nos rapports au savoir, au travail, à l’information, à la culture et même au langage.
En ce sens, l’IA n’est pas une technologie neutre, mais un enjeu politique et citoyen qui exige un dialogue international étroit autour des gouvernants de la planète, des chercheurs, des entreprises et de la société civile.
Dès 2020, le Canada et la France avaient lancé ensemble le Partenariat mondial pour l’intelligence artificielle, rassemblant experts et gouvernements de tous les continents pour faire progresser un programme ambitieux de mise en œuvre d’une intelligence artificielle centrée sur l’humain, sûre, sécurisée et digne de confiance.
À Ottawa, le 26 septembre dernier, Justin Trudeau et Emmanuel Macron ont poursuivi cet effort en lançant un appel à l’action pour favoriser le développement d’une approche responsable en matière d’intelligence artificielle. Nos deux pays porteront ainsi ensemble cette vision commune pour l’intelligence artificielle lors de la présidence canadienne du G7 en 2025 et du Sommet pour l’action en matière d’intelligence artificielle que la France accueillera les 10 et 11 février prochains.
Ainsi, et en approfondissant la dynamique amorcée par le Royaume-Uni et la Corée du Sud, ce sommet pour l’action sur l’IA réunira à Paris près d’une centaine de chefs d’État et de gouvernement et un millier d’acteurs de la société civile venus d’une centaine de pays.
La question qui se présente à tous — usagers et citoyens du monde entier, start-ups comme grands groupes, chercheurs et décideurs — est au fond assez simple : comment réussir le virage de l’IA ?
L’enjeu est fondamental : permettre à l’IA de réaliser sa promesse initiale de progrès et d’émancipation dans un cadre de confiance commun permettant de contenir les risques propres au développement des technologies.
Dans la perspective du Sommet et de ses suites, notre action porte en priorité sur trois objectifs concrets.
En premier lieu, il est essentiel de garantir l’accès à l’IA au plus grand nombre, afin que chacun à travers le monde puisse en bénéficier et développer de nouvelles idées pour en réaliser tout le potentiel. Dans le but de réduire la fracture numérique croissante et d’endiguer la concentration excessive du marché de l’IA, nous lancerons une initiative d’ampleur pour l’IA au service de l’intérêt général afin de favoriser le développement et le partage de la puissance de calcul, de jeux de données structurées, d’outils ouverts et de formations des talents de demain. Ce projet sera porté par des acteurs tant publics que privés.
En deuxième lieu, il nous faut impérativement penser conjointement les deux transitions majeures de notre temps : l’environnement et la technologie. Si l’IA doit apporter tout son concours pour lutter contre le réchauffement climatique et préserver les écosystèmes, elle s’inscrit aujourd’hui dans une trajectoire intenable sur le plan énergétique. Les dernières prévisions avancent ainsi des besoins en énergie pour le secteur de l’IA dix fois supérieurs, dès 2026, à ceux de 2023. Cette perspective n’est pas soutenable.
En réponse, une coalition internationale et multipartite prenante en faveur de l’IA durable sera lancée à l’occasion du Sommet afin d’approfondir la recherche sur le coût environnemental de l’IA, d’évaluer les modèles sous ce prisme, de définir de nouveaux standards et d’accroître les investissements verts à tous les niveaux de la chaîne de valeur.
Enfin, nous devons bâtir collectivement un système de gouvernance de l’IA efficace et inclusif qui ne se limite pas aux questions d’éthique et de sécurité. D’autres enjeux sont primordiaux. Il nous faut discuter de tous les sujets, à l’image de la protection des libertés fondamentales, de la propriété intellectuelle, de la lutte contre la concentration du marché, de l’accès aux données, pour ne citer qu’eux.
Il nous faut également réunir tout le monde autour de la table pour discuter de questions telles que la gouvernance mondiale de l’IA. Seuls sept pays dans le monde sont aujourd’hui parties prenantes des principales initiatives internationales sur l’IA, et 119 en sont entièrement absents. Par ailleurs, les acteurs privés et la société civile doivent également être inclus afin de définir ensemble une architecture commune de gouvernance internationale de l’IA.
La France n’avance pas seule vers ce sommet. Outre nos partenaires canadiens, plus de 700 acteurs, publics comme privés, chercheurs et ONG issus des cinq continents contribuent depuis plusieurs mois à sa préparation. Aucun sujet ne sera éludé : du futur du travail à l’IA frugale, de la sécurité des modèles aux écosystèmes d’innovation, de la nécessaire diversité linguistique (et donc culturelle) à la protection des données personnelles.
Nous comptons sur le concours de tous et toutes pour nous accompagner sur la route du Sommet pour l’action sur l’IA, afin qu’ensemble, nous construisions, dans un cadre de confiance, une IA au service de tous, pour un monde prospère, plus ouvert et plus inclusif.
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