Regard lucide d’une professeure démissionnaire sur un système qui s’effrite

Si nous voulons un avenir meilleur pour nos enfants, il est urgent de rétablir un climat de respect mutuel dans nos écoles, fait valoir l’autrice.
Photo: Rebecca Grabill Getty Images Si nous voulons un avenir meilleur pour nos enfants, il est urgent de rétablir un climat de respect mutuel dans nos écoles, fait valoir l’autrice.

La pénurie qui secoue le milieu de l’enseignement n’est pas le fruit du hasard. Derrière chaque départ se cache une sombre réalité : celle d’un système qui s’effrite sous le poids des pressions multiples et des comportements toxiques. Ma propre démission, en décembre dernier, n’échappe pas à cette règle.

Un métier sous pression

Dans les écoles, la réalité dépasse largement les défis de gestion de classe et de ressources limitées. Ce qui mine véritablement le moral des enseignants, ce sont, entre autres, les exigences démesurées et le manque de respect croissant auxquels ils font face. De plus en plus, des parents exigent une disponibilité totale de la part des enseignants, dont des réponses immédiates aux courriels et des suivis téléphoniques hors des heures de travail.

Paradoxalement, ces mêmes parents deviennent souvent injoignables ou intraitables lorsque leur collaboration est nécessaire.

Plus inquiétant encore, les réseaux sociaux sont devenus le terrain de véritables campagnes de dénigrement. Des parents se permettent de critiquer publiquement les méthodes des enseignants, leurs décisions pédagogiques et leurs évaluations sans même chercher à en comprendre le fondement. Les faits sont alors déformés et l’enseignant devient une cible facile.

L’effet boomerang sur les élèves

Ce que ces parents ne réalisent pas, c’est que leurs comportements se retournent contre leurs propres enfants. En rabaissant les enseignants, ils créent chez leurs enfants un conflit de loyauté destructeur. Tiraillés entre l’appréciation de l’aide reçue par leur enseignant et la fidélité au discours parental négatif, ces élèves développent parfois une attitude réfractaire, convaincus que leur « prof » est un adversaire plutôt qu’un allié dans leur réussite.

Mais le problème ne vient pas que de l’extérieur. Au sein même des écoles, un mal tout aussi pernicieux ronge le système : l’intimidation entre collègues et envers les élèves. Des enseignants et membres du personnel profitent parfois de leur position d’autorité pour rabaisser leurs pairs ou, plus grave encore, les élèves eux-mêmes. Ces comportements, souvent minimisés ou ignorés, compromettent directement la mission éducative.

Les mécanismes de dénonciation actuels sont insuffisants. Trop souvent, les signalements sont balayés sous le tapis, laissant les victimes — que ce soit des enseignants ou des élèves — sans protection et sans soutien réels.

Un système à la dérive

L’emprise grandissante de certains parents sur le fonctionnement des écoles combinée à la culture d’intimidation qui règne parfois entre les murs crée un cocktail toxique. Le temps précieux qui devrait être consacré à l’enseignement est englouti dans la gestion de conflits inutiles. Pendant ce temps, la qualité de l’éducation se dégrade et ce sont les élèves qui en paient le prix.

Si j’ai démissionné, ce n’est pas par désamour pour la profession enseignante, mais pour briser le silence sur ces situations. Il s’agit d’un cri d’alarme !

Si nous voulons un avenir meilleur pour nos enfants, il est urgent de rétablir un climat de respect mutuel dans nos écoles. L’école n’est pas un service à la carte : les parents doivent recentrer leur énergie sur l’éducation à la maison plutôt que de dicter aux enseignants comment faire leur travail. De leur côté, les enseignants et le personnel scolaire doivent cesser de fermer les yeux sur les comportements abusifs de leurs collègues.

L’éducation ne peut prospérer que dans un environnement où la collaboration remplace le mépris, où le respect mutuel l’emporte sur l’intimidation. Il est temps que chacun prenne ses responsabilités avant qu’il ne soit trop tard.

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