Les maisons d’hébergement sont fortes de 50 ans de solidarité et de justice sociale

Cette année marque un jalon historique pour notre société. Il y a 50 ans, la première maison d’hébergement pour femmes officielle, Carrefour pour Elle, ouvrait ses portes au Québec. Ce fut un moment fondateur, une réponse directe à un besoin criant dans une société où les femmes violentées ou en situation de précarité et d’isolement se retrouvaient trop souvent sans refuge, sans écoute et sans soutien.
La violence était considérée comme un problème privé, confiné derrière des portes closes. Aujourd’hui, ces maisons représentent bien plus qu’un simple hébergement. Elles sont le fruit de luttes féministes et de combats menés avec ténacité par des centaines de femmes et de collectifs.
Les luttes d’hier, les victoires d’aujourd’hui
Au fil des décennies, les maisons d’hébergement ont été au cœur de l’évolution du mouvement féministe au Québec. Au départ, elles étaient une réponse urgente à une problématique sociale : la prise en charge des femmes victimes de violences. Trop souvent isolées, sans ressources et laissées dans l’ombre, ces femmes ont vu leurs vies transformées grâce à l’engagement des militantes visionnaires qui ont fondé les premières maisons d’hébergement. Ces femmes ont ouvert la voie à des changements politiques, législatifs et sociaux importants, renforçant ainsi la lutte contre les violences faites aux femmes.
Un élément central de cette lutte a été de démontrer que ces violences ne relevaient pas uniquement du domaine privé, mais constituaient bel et bien une problématique sociale. Les femmes ont ainsi pris conscience qu’elles n’étaient pas seules à vivre cette souffrance. En brisant l’isolement, elles se sont rassemblées, se sont soutenues mutuellement et ont fait entendre une voix collective pour dénoncer cette violence systémique.
Les défis étaient immenses : stigmatisation, invisibilisation des victimes, manque de soutien financier et institutionnel. Pourtant, ces pionnières ont réussi à transformer cette réalité, avec peu de ressources, mais une détermination sans faille. Elles ont su fédérer des alliances, sensibiliser le public et les autorités, et faire entendre la voix de celles qui étaient jusqu’alors réduites au silence. Leur mobilisation a permis, entre autres, la mise en place de la politique gouvernementale en matière de violence conjugale en 1995, une première reconnaissance officielle de la violence faite aux femmes.
Le travail quotidien des maisons d’hébergement de la FMHF
Le travail accompli dans les maisons d’hébergement est indispensable. Ces lieux, animés par des équipes compétentes et déterminées, offrent un espace sûr, sur le plan tant physique que psychologique, pour les femmes et leurs enfants. Chaque jour, des milliers de femmes franchissent leurs portes, cherchant une issue à un contexte de violence, de pauvreté ou d’exploitation.
Elles y trouvent soutien, ressources externes et, surtout, un espoir pour l’avenir, dans un environnement où elles peuvent se reconstruire en toute sécurité. La sécurité psychologique permet à ces femmes de retrouver confiance en elles, de raconter leurs expériences sans crainte de jugement et de commencer un processus de guérison essentiel à leur reconstruction.
Les travailleuses et les bénévoles des maisons d’hébergement œuvrent sans relâche pour offrir un accueil humain et respectueux. Cependant, elles font face à des réalités complexes : des besoins croissants, un manque de financement structurel, et des pressions institutionnelles et sociales qui mettent en péril la pérennité des services vitaux pour les femmes et leurs enfants.
Les défis d’aujourd’hui et les combats de demain
À l’occasion de ce 50e anniversaire, il est crucial de regarder vers l’avenir. Si des progrès considérables ont été réalisés, il reste beaucoup à faire. La violence envers les femmes demeure un fléau omniprésent, et de nouvelles formes d’oppression, comme les violences judiciaires et numériques, viennent compliquer encore la sortie de la violence pour les femmes ainsi que le travail des maisons d’hébergement qui les accompagnent.
La situation actuelle, marquée par des coupes dans le financement et une pression croissante sur les services sociaux, met en péril la qualité de l’accompagnement offert aux femmes. De plus, le contexte social devient de plus en plus difficile, avec des inégalités économiques et sociales de plus en plus marquées, ce qui complique encore l’accès à un logement sécuritaire et adapté pour de nombreuses femmes.
En tant que Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, nous avons la responsabilité de défendre les droits des femmes, de militer pour des politiques publiques plus inclusives et de porter la voix de celles qui, chaque jour, se battent pour leur dignité et leur sécurité. Nous appelons les gouvernements et les institutions à renforcer leur appui aux maisons d’hébergement afin de répondre aux besoins croissants des femmes victimes de violence.
Un hommage à celles qui ont ouvert la voie
Enfin, nous rendons hommage à toutes celles qui ont contribué à l’émergence et au développement des maisons d’hébergement au Québec. Leur courage, leur persévérance et leur vision ont fait de ces maisons des symboles de résistance et de mobilisation face aux violences faites aux femmes.
Cette année, alors que nous célébrons ce cinquantième anniversaire, nous réaffirmons notre engagement à poursuivre ce travail essentiel. Les maisons d’hébergement pour femmes sont plus que jamais nécessaires et doivent continuer à être soutenues pour offrir aux femmes et aux enfants un avenir libre de violence, d’oppression et d’injustice.
Merci à toutes celles qui, à travers les âges, ont fait de ces maisons un phare d’espoir. Nous continuerons le combat. Ensemble.
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