L’illusion de la souveraineté canadienne

«La souveraineté canadienne, si elle a déjà existé, est dorénavant morte et enterrée», écrit l’auteur.
Photo: Louis Acosta Agence France-Presse AFP «La souveraineté canadienne, si elle a déjà existé, est dorénavant morte et enterrée», écrit l’auteur.

Ceux qui croyaient encore que le Canada est un pays souverain doivent certainement déchanter par les temps qui courent. Les événements des derniers jours montrent à quel point cette souveraineté est illusoire. Pas plus tard que le 2 février dernier, les chefs de partis fédéraux se disaient unanimes en concluant que la sécurité à la frontière (vu le trafic de fentanyl qui s’y déroulerait) ne constituait qu’une fallacieuse excuse pour l’imposition de tarifs douaniers aux exportations vers notre voisin du Sud.

Pourtant, dès le lendemain, afin « d’arracher » un sursis d’un mois à cette imposition, non seulement le gouvernement canadien convenait d’investir davantage pour « sécuriser » la frontière, mais il s’engageait aussi à nommer un « tsar » du fentanyl, une première chez nous. Les membres de la classe politique canadienne acceptent donc de devenir des pantins face à l’intimidateur en chef. S’il leur demande de danser, ils danseront.

Plus troublant encore est le revirement spectaculaire, partout au Canada et même au Québec, en ce qui concerne les projets d’exploration et d’exploitation d’énergie fossile. Forages en mer à Terre-Neuve, pipelines pétrolier et gazier à travers le Canada, préjugé favorable à des terminaux de distribution de gaz naturel liquéfié au Québec, tout y passe. Les États américains réagissent beaucoup moins rapidement à l’injonction de leur président, « Drill, Baby, Drill ».

On dirait qu’il s’agit là de la seule ressource que possède le Canada pour « survivre » à l’imposition de tarifs douaniers toujours hypothétiques pour l’instant. Pourtant, tous ces projets ne pourraient advenir du jour au lendemain, et sans doute pas avant la fin du présent mandat du président américain. Pendant ce temps, la nécessaire transition énergétique pour lutter contre les changements climatiques, pourtant essentielle, sera mise en veilleuse.

Le premier ministre du Québec n’est pas en reste avec sa proposition, digne du dictateur américain, de procéder à la conscription des chômeurs éventuels causés par les tarifs en les envoyant construire des barrages dans le Grand Nord, sans leur demander leur avis ni celui des Premières Nations touchées. Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (titre qu’on devra revoir bientôt) ne fait guère mieux et annonce déjà qu’il rebroussera chemin, entre autres, quant à l’exigence de 100 % de véhicules neufs zéro émission à partir de 2035.

Quoi qu’en dise le premier ministre Justin Trudeau, la boutade du président américain ne se transformera jamais en une offre formelle pour que le Canada devienne officiellement le 51e État américain. Elle ne vise qu’à soumettre toute la classe politique canadienne à ses diktats et à son idéologie.

La lenteur de la réponse canadienne, survenue bien après les réactions du reste du monde, à la proposition loufoque du président américain de faire de Gaza une station balnéaire plus ou moins américaine en expulsant ses habitants sous d’autres cieux, témoigne une nouvelle fois de cette soumission.

La souveraineté canadienne, si elle a déjà existé, est dorénavant morte et enterrée.

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