Le gouvernement Legault trahit les locataires

La Coalition avenir Québec se base sur le principe que le logement est un bien de consommation comme n’importe quel autre, et non un droit, note l’auteur.
Photo: iStock La Coalition avenir Québec se base sur le principe que le logement est un bien de consommation comme n’importe quel autre, et non un droit, note l’auteur.

Dans l’édition du Devoir du 29 janvier, l’essayiste Patrick Moreau estime que la recommandation d’une hausse des loyers de 5,9 % par le Tribunal administratif du logement (TAL) crée une tempête parfaite. Assertion juste s’il en est. Il affirme aussi que « c’est surtout une monumentale erreur de prétendre s’appuyer pour justifier cette hausse sur un barème d’apparence objective ». En plus d’endosser ce grossier sophisme (aucune donnée probante n’appuie cette assertion), le premier ministre, François Legault, s’agenouille lâchement devant le TAL pour le bénir, abandonnant ainsi les locataires à la loi d’airain du marché.

En réalité, la Coalition avenir Québec (CAQ) se base sur le principe que le logement est un bien de consommation comme n’importe quel autre, et non un droit. Dans cette perspective, le lobby des propriétaires n’a qu’à faire valoir l’augmentation des intrants dans leurs frais d’exploitation et évoquer faussement une diminution possible de profits pour que le TAL accepte de continuer à favoriser le marché, dominé par une poignée d’importants spéculateurs immobiliers ambitieux, et souvent peu scrupuleux.

À ces joueurs s’ajoute une multitude de petits propriétaires aussi animés par leurs rêves de millions, lesquels les incitent à chercher à augmenter leurs profits et la valeur de leur investissement par tous les moyens, et cela le plus rapidement possible. La recommandation du Tribunal, offerte comme un cadeau sur un plateau d’argent aux propriétaires, laisse présager de mauvais jours pour les locataires.

Premièrement, la décision du TAL contribue à l’inflation alors que, selon l’Institut de la statistique du Québec, l’indice des prix à la consommation n’est que de 1,6 % (donnée de décembre 2024).

Deuxièmement, les augmentations font gonfler les inégalités socioéconomiques, générant ainsi plus de pauvreté. À la CAQ, la lutte contre la pauvreté ne fait pas partie du vocabulaire. Dans un contexte où le capitalisme libertarien (rejet des modes de régulation de l’État, lois du marché totalement sous contrôle de la classe dominante, etc.) triomphe sous l’impulsion du « trumpisme », le gouvernement de François Legault se montre indifférent, faible et lâche devant le TAL.

Sans surprise, il affirme que les décisions du Tribunal ne le concernent pas, pas plus d’ailleurs que le rejet à la rue de milliers de travailleurs par Amazon. Ce faisant, le premier ministre témoigne de son insensibilité à l’égard des plus vulnérables de la société. Son credo reposant sur l’acceptation inconditionnelle des lois du marché même si elles sont édictées par un capitalisme débridé qui se veut sans état d’âme à l’égard du bien commun, il ferme les yeux. Il s’en tient au principe que le logement ne correspond à aucun droit. Il n’en tient donc qu’aux locataires de se débrouiller du mieux qu’ils le peuvent pour vivre décemment.

Troisièmement, à plus ou moins court terme, les conditions de logement risquent de se détériorer, car les locataires vont chercher à se loger au prix le plus bas et les propriétaires investiront de moins en moins dans les rénovations afin de pouvoir louer des logements à des prix compétitifs, même s’ils vont rester abordables. Et ce, sans compter la poursuite de la conquête du marché par les locations libres telles que Air… bnb.

Quatrièmement, les personnes les plus touchées resteront toujours les catégories de locataires les plus vulnérables, comme les bénéficiaires de prestations (aide sociale, assurance-emploi, invalidité, etc.) et les personnes âgées, dont les revenus de retraite augmentent très peu. Par exemple, plusieurs résidences pour personnes âgées ont augmenté le prix de leurs loyers de 6,1 % pour 2025, et elles pourront poursuivre le même niveau d’augmentation en 2026. Il s’agirait donc d’une augmentation de 12 % sur une courte période. Plusieurs personnes âgées ne pourront peut-être plus soutenir de telles hausses.

En bout de piste, les personnes les plus démunies sont livrées au marché sans protection. Peut-être allons-nous voir pousser encore plus de tentes sous les ponts… et s’allonger des files d’attente aux portes des refuges pour les personnes itinérantes.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

À voir en vidéo