Sur l’état de la démocratie scolaire, cinq ans après l’adoption de la loi 40

Voilà maintenant cinq ans, le gouvernement centralisateur de la Coalition avenir Québec (CAQ), allergique aux contre-pouvoirs, a décidé de retirer de son soulier un caillou contraire à sa culture du contrôle. Par le bâillon de la loi 40, il a sonné le glas des élus scolaires et mis en place des centres de services scolaires en lieu et place des commissions scolaires. Le Québec est la seule province canadienne qui ne dispose pas d’un régime local démocratique sur le plan scolaire, en plus de maintenir deux modes différents de gouvernance pour la communauté francophone et anglophone.
Une loi d’une telle envergure devrait invariablement faire l’objet d’une évaluation rigoureuse après avoir disposé d’un temps suffisamment long pour s’articuler concrètement dans la pratique. Or, quels ont été les effets de la loi 40 sur le réseau québécois d’éducation publique, si ce n’est une marge d’autonomie grandement diminuée et un pouvoir accru du ministre s’adonnant à plus de microgestion ?
L’école publique se porte-t-elle mieux ? Est-elle plus proche de sa population ? Les Québécois sont-ils encore plus mobilisés autour de leur école de quartier ? Les décisions sont-elles effectivement prises par les personnes connaissant le nom des enfants ? A-t-on favorisé l’équité des chances de réussite des élèves du Québec ? Est-il plus facile pour un individu de trouver réponse à ses interrogations légitimes sur les services scolaires offerts ?
Les parlementaires pourraient aussi se demander si un conseil d’administration, formé de groupes d’intérêt, et dont les mandats sont réduits à leur plus simple expression, représente un gain comparativement à un conseil de citoyens élus par la population et disposant d’une autonomie politique agile leur permettant d’agir comme des agents de liaison avec la communauté.
On a beau l’évaluer sous différents angles, la loi 40, promue à l’époque par un florilège de phrases creuses, s’est avérée au mieux inutile, sinon néfaste pour la société québécoise. À notre avis, il faut redonner l’autonomie politique aux organisations scolaires, favoriser la participation citoyenne à son école publique et redéfinir les mandats de chacun des paliers décisionnels dans l’optique d’une complémentarité des rôles des actrices et des acteurs du réseau de l’éducation.
Définir le rôle de chacun des paliers de gouvernance
Les gouvernements centralisateurs tendent à unifier les pratiques, à retirer le pouvoir d’agir des personnes concernées et à décourager les initiatives locales. Dans une gouvernance à la fois complémentaire et efficace, la redéfinition des mandats et des responsabilités de chaque palier de gouvernance devient la première pierre à poser pour asseoir l’édifice scolaire actuellement en mal de solidité. Si le ministre établit les grandes orientations nationales et travaille en amont pour obtenir les budgets nécessaires à leur atteinte, le gouvernement scolaire prendra acte de ces orientations et les conjuguera à la saveur locale, étant bien au fait des particularités de son milieu et des ressources dont il dispose.
Il posera des choix sensibles en lien avec ses responsabilités : s’assurer de l’équité des chances de progresser pour tous les élèves placés sous sa gouvernance, promouvoir une éducation de qualité et chercher constamment à optimiser les services scolaires offerts. Pour cela, il doit pouvoir agir en toute autonomie à l’intérieur de sa prérogative et avoir les coudées franches pour faire des choix en phase avec sa communauté. Favorisant une gestion participative et une logique horizontale en lieu et place de visions en tunnel décrétées par le haut, il saura développer des pratiques, des politiques et des projets porteurs adaptés à sa communauté.
Mettre en place un conseil de gouvernance formé exclusivement d’élus
Nous proposons de tourner le dos à une gouvernance administrative formée de groupes d’intérêt et dont le mandat et les responsabilités ont fondu comme peau de chagrin depuis l’adoption du projet de loi 40. Nous suggérons plutôt de mettre fin à la représentation et de favoriser la participation citoyenne aux instances démocratiques locales. Ainsi, quiconque voudra faire partie de la gouvernance scolaire devra avoir l’aval de sa communauté par voie démocratique.
Une fois élue, toute personne parent, aînée, citoyenne provenant du milieu communautaire, du milieu des affaires, etc., et demeurant sur le territoire de son organisation scolaire pourra siéger au conseil de gouvernance. Toutefois, le fait d’être élu ne garantit pas la synergie communautaire. L’obligation de consultation, de mise en place de mécanismes de dialogue et de diffusion régulière d’information devrait favoriser l’intérêt de la communauté pour son école publique.
Promouvoir la participation citoyenne aux instances démocratiques
Si nous appelons le gouvernement de la CAQ à faire preuve d’humilité en admettant l’échec de son modèle de gouvernance scolaire, nous l’appelons également à prendre ses responsabilités et à remobiliser les citoyens dans ses instances. Il nous apparaît irresponsable de la part d’un gouvernement d’une société démocratique de décourager ses citoyens à s’engager dans leur communauté, et encore plus néfaste de les démobiliser de la gouvernance de leur école.
La faible participation aux élections scolaires devrait signifier aux élus de l’Assemblée nationale l’urgence de déployer tous les efforts possibles pour favoriser la participation aux activités électorales. Plusieurs options sont possibles et envisageables : une élection scolaire jumelée à l’élection municipale, des forums publics, une semaine thématique sur la démocratie scolaire, etc. Le programme national de formation de l’école québécoise inclut un volet d’éducation à la citoyenneté. Afin d’être cohérent, le gouvernement ne devrait-il pas déployer un maximum d’effort afin de la soutenir en pratique ?
N’est-il pas urgent de mettre un terme à la centralisation étouffante et rigide dont souffre l’école publique ? Notre école a besoin d’air, d’agilité, d’autonomie. Nous proposons d’établir une gouvernance politique citoyenne locale, responsable de ses choix issus d’un dialogue constant avec la communauté. Le Québec est riche de diversité, d’accents, d’originalité. Redonnons à la population le pouvoir de mettre cette richesse au service de l’apprentissage des élèves grâce à l’engagement citoyen. En mobilisant ainsi l’intelligence collective, l’école et l’éducation s’en porteront mieux.
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