L’endettement est un effet secondaire inattendu du cancer

Nos gouvernements ont les moyens d’agir pour que chaque personne au Canada puisse vivre longtemps et en meilleure santé, fait valoir l’autrice.
Photo: Michaël Monnier Archives Le Devoir Nos gouvernements ont les moyens d’agir pour que chaque personne au Canada puisse vivre longtemps et en meilleure santé, fait valoir l’autrice.

Les effets secondaires des traitements contre le cancer, comme les nausées, la perte de poids ou la douleur, sont bien connus. Mais un effet secondaire souvent ignoré est l’endettement personnel. Face aux dépenses exorbitantes liées à la maladie, beaucoup de personnes touchées par le cancer doivent puiser dans leurs économies, contracter des dettes ou solliciter l’aide de leurs proches.

Bien que notre système de santé prenne en charge de nombreux frais de soin, plusieurs dépenses à la charge des patients demeurent. Par exemple, certains médicaments et traitements essentiels ne sont pas couverts. De plus, les personnes atteintes doivent souvent payer des frais de déplacement, de stationnement, d’hébergement ou encore des services indispensables comme les appareils d’assistance, les soins à domicile et le soutien en oncofertilité. À cela s’ajoute une perte de revenus due à l’incapacité de travailler ou à la perte d’emploi, aggravant un stress qui nuit encore davantage à leur rétablissement.

Selon un rapport récent de la Société canadienne du cancer, une personne atteinte de cancer au pays débourse en moyenne 33 000 $ au cours de sa vie pour des frais liés au cancer, soit 20 % du coût sociétal du cancer. Collectivement, cela équivalait à 7,5 milliards de dollars en 2024.

Une nouvelle enquête menée par la Société canadienne du cancer en partenariat avec l’Institut Angus Reid a révélé que près de 80 % des Canadiens en âge de travailler (18-64 ans) craignent de ne pouvoir épargner suffisamment pour leur retraite s’ils reçoivent un diagnostic de cancer.

Ces chiffres se concrétisent dans la vie quotidienne de milliers de Canadiens. Patricia Poulin, de Saint-Émile-de-Suffolk, au Québec, a eu recours à un GoFundMe pour pallier les 40 000 $ de frais par an liés au cancer et à la perte de revenus entre 2017 et 2022. Mathieu Michaud, travailleur autonome de Notre-Dame-du-Portage au Québec, a vendu son garage et épuisé ses économies pour survivre financièrement à son diagnostic. En Ontario, Steve Hodges a également puisé dans ses économies pour subvenir aux besoins de sa femme et de son jeune fils autiste tout en subissant un traitement affaiblissant contre son cancer de la tête et du cou. Ces histoires, bien que personnelles, illustrent des réalités partagées par beaucoup.

Face à cette situation, il devient impératif que les gouvernements agissent pour uniformiser et prolonger le congé avec protection de l’emploi à travers le Canada. Bien que le Québec, l’Ontario et d’autres provinces offrent déjà 26 semaines de congé protégé, plusieurs territoires et provinces, comme la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick, n’offrent que quelques jours ou une semaine. Tous les gouvernements doivent garantir un congé d’au moins 26 semaines pour permettre aux Canadiens malades de recevoir les traitements nécessaires sans risquer de perdre leur emploi. En parallèle, il faut aussi s’attaquer d’urgence à la pénurie de professionnels de la santé, améliorer la couverture des médicaments contre le cancer et faciliter l’accès à des services essentiels, indépendamment de la capacité de payer.

Nous devons investir dans la détection précoce et le dépistage du cancer, car ces mesures non seulement sauvent des vies, mais représentent également une solution rentable permettant d’économiser l’argent public. Nos gouvernements ont les moyens d’agir pour que chaque personne au Canada puisse vivre longtemps et en meilleure santé.

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