Elon Musk n’est pas ce dont j’ai besoin pour mon anniversaire

Alors que je célèbre mon anniversaire cette semaine, tapant ces mots sur un appareil façonné par la « destruction créatrice » de la Silicon Valley — une force qui, pour le meilleur ou pour le pire, a transformé nos vies ces cinquante dernières années —, Elon Musk n’est pas ce dont j’ai besoin pour mon anniversaire.
Souvent salué comme un visionnaire, un génie qui repense le transport, l’exploration spatiale et l’intelligence artificielle (IA), Musk est dépeint par ses fidèles comme un innovateur d’exception, propulsant l’humanité à raison de semaines de travail de 120 heures, de Red Bull et de matelas à même le sol dans ses usines et bureaux. Mais comme beaucoup de mythes, celui-ci ne résiste pas à l’examen critique, et nous n’avons pas besoin d’Elon Musk pour dicter notre avenir.
Cela ne signifie pas que Tesla, SpaceX ou d’autres entreprises affiliées à Musk n’ont pas contribué à des avancées technologiques majeures. J’y ai moi-même souscrit. Mais il est désormais clair qu’Elon Musk n’est pas la force d’innovation profonde et durable qu’il projette. Depuis l’investiture de Trump notamment, il apparaît davantage comme un homme d’affaires opportuniste et, pire, une force déstabilisatrice au sein du débat public et de la démocratie.
Obsédé par la perception de la vérité, pas la vérité en soi
Pour quelqu’un qui se dit « obsédé par la vérité », Musk semble plus préoccupé par le contrôle de sa perception.
Un exemple révélateur est la récente controverse sur ses prouesses en tant que joueur d’élite. Ses performances réelles, bien en deçà de ses classements, ont soulevé des interrogations sur ses méthodes. Mais quand on est la personne la plus riche du monde, on peut s’offrir bien plus que des biens matériels : le silence et la complaisance des autres, qu’il s’agisse de doublures dans les jeux vidéo ou d’acteurs simulant les exploits du robot Optimus de Tesla.
L’obsession de Musk n’est pas la vérité : il cherche avant tout à vendre une image de lui-même qui serait toujours en avance sur nous, pauvres consommateurs mortels.
Un perturbateur… dans le pire sens du terme
Musk se présente comme un franc-tireur défiant l’establishment, mais son impact est souvent destructeur. Son style de gestion — chaotique, impulsif et dicté par ses caprices — a conduit à des licenciements massifs et brutaux, des poursuites judiciaires et à la diffusion de théories du complot attisant les divisions sociales.
Prenons Twitter (désormais X), un chef-d’œuvre de décisions frénétiques : licenciements de masse, réintégration d’extrémistes et explosion de la désinformation. Plutôt que de sauver la plateforme, le milliardaire l’a transformée en un terrain de jeu pour trolls et conspirationnistes. Comme il l’a dit lui-même en prenant les rênes de Twitter : Let that sink in (Prenez le temps d’y penser).
Les dangers d’un pouvoir sans limites
Les récents événements illustrent les périls d’un Musk sans contrôle. Nommé par Trump à la tête du département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE), il a imposé des réformes brutales, forcé l’accès à des bases de données sensibles et écarté des fonctionnaires, démantelant des agences de bien public hors de son champ idéologique.
Certes, l’efficacité gouvernementale et la réduction de la bureaucratie sont des objectifs légitimes, mais ils nécessitent une approche réfléchie, pas des décisions arbitraires et un mépris des agents publics et des citoyens qu’ils servent.
Heureusement, le pouvoir judiciaire commence à réagir, et ceux qui résistent à cette vague destructrice seront les véritables héros du système démocratique. Mais jusque-là, Musk bénéficie d’un pouvoir incontrôlé, renforcé par ses liens étroits avec Trump et des conflits d’intérêts financiers massifs.
Un avenir au-delà de Musk
Elon Musk laissera sans doute une empreinte sur certaines innovations technologiques et industrielles, mais son influence grandissante pose de graves questions sur la concentration du pouvoir privé. Et pourtant, il pourrait avoir un impact bien plus grand en sachant prendre le recul nécessaire, d’abord sur lui-même, et en mettant une fraction de sa fortune au service du bien commun.
Imaginons un avenir où, au lieu de menacer la démocratie ou de nourrir des querelles personnelles, Musk investirait dans des technologies véritablement durables, une gouvernance éthique de l’IA ou encore l’éducation, la santé et les connaissances. C’est ainsi que l’histoire pourrait se souvenir de lui.
Pour l’instant, cependant, il fonce droit vers les poubelles de la civilisation occidentale, non pas en visionnaire, mais en symbole d’une vanité personnelle irrésolue et d’une soif de pouvoir sans contrôle et au mépris de tous.
Ou bien, s’il croit vraiment en la colonisation spatiale, qu’il prenne place à bord du premier vaisseau pour Mars et laisse la gouvernance terrestre à ceux qui préfèrent y rester.
Le monde n’a pas besoin d’Elon Musk pour contrôler son avenir, mais ce dernier peut encore y contribuer — avec sagesse, humilité et un véritable engagement au service d’une intelligence collective.
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