Des contre-pouvoirs américains en action

L’élan autoritaire de Donald Trump se heurte déjà à des résistances internes. L’idéologie trumpiste frappe un mur, infiniment plus complexe que ce que les régimes fascisants ou autoritaires occidentaux ont connu dans les années 1930, pour ceux qui aiment faire ce parallèle. Les États-Unis viennent en effet de limiter le pouvoir de Donald Trump : des coupes majeures dans les dépenses de l’État devaient commencer cette semaine, et elles ont finalement été annulées peu après leur annonce. Ces coupes visaient des centaines de milliards de dollars de subventions.
Ce premier exemple est pertinent parce qu’il mobilise trois registres de limites structurelles. Il y a d’abord des limites juridiques qui empêchaient le président Trump de mettre en place de telles coupes. Un juge fédéral s’est donc opposé à celles-ci.
Deuxième rempart structurel : les coupes majeures que Trump voulait imposer à l’État ont mobilisé en retour, sur une base bipartisane, un nombre important d’acteurs. Ainsi, les républicains ont déjà commencé à s’extirper de leurs peurs pour protéger certaines actions immuables aux États-Unis — et cela conjointement avec les démocrates. Ainsi, en plus des limites juridiques, le pouvoir du 47e président se heurte aussi à une résistance transpartisane en faveur d’une stabilité relative des programmes.
Troisièmement, Donald Trump s’est sans équivoque heurté à une résistance financière. Je m’explique. En coupant dans les budgets, il allait affecter les flux financiers qui nourrissent des centaines de milliers de propriétaires de bâtiments commerciaux qui louent des locaux à des organismes bénéficiant de ces subventions. Cela impliquait donc de grands risques d’instabilité pour des banques régionales américaines, tout comme pour la classe propriétaire.
Un seul exemple, me direz-vous, ne pourra me convaincre qu’il plie l’échine. Je répondrai à ceci que nous voyons également une limitation à sa tentative de révoquer la possibilité d’acquérir la citoyenneté américaine si on naît en sol américain. Cette fois, c’est le pouvoir judiciaire qui a arrêté le pouvoir exécutif dans sa tentative de mettre en action cette mesure.
Et que dire du rempart financier, encore une fois, avec Jerome Powell ? À la tête de la banque centrale américaine, M. Powell a balayé d’une simple intervention la pression du gouvernement Trump pour faire baisser les taux d’intérêt rapidement. Il a simplement dit : « Nous n’avons pas à nous presser. »
Les révolutionnaires se heurtent toujours à la même chose : l’appareil en place. Il est facile de produire des documents de 900 pages avec ses compagnons idéologues, mais c’est autre chose de les mettre en œuvre face à une bureaucratie, à un système financier et à un système juridique. Les structures se reproduisent, se maintiennent par une force d’inertie incalculable : la simple parole de Trump, le « diktat » de l’empereur, ne suffit pas. Cette limite explique pourquoi la violence accompagne ces figures autoritaires. Qu’en sera-t-il de Trump ?
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