Les campements urbains sont un outil de gestion de la crise du logement

Le démantèlement d’un campement de personnes itinérantes en décembre 2024, à Montréal
Photo: Christinne Muschi La Presse canadienne Le démantèlement d’un campement de personnes itinérantes en décembre 2024, à Montréal

Dans son éditorial du 27 janvier dernier, Brian Myles prend fait et cause contre les campements des personnes itinérantes en milieu urbain, appuyant en cela la position défendue dans ce dossier par l’administration de Valérie Plante.

Je conviens comme lui que les campements ne sauraient constituer une solution de long terme. Il est cependant irréaliste de penser que les campements, comme manifestation sociale de notre échec à résoudre la crise du logement, vont disparaître dans un horizon de court terme. De plus, je regrette que le texte du directeur du Devoir demeure silencieux quant à l’approche répressive que les administrations municipales ont adoptée dans ce dossier, à la notable exception de la Ville de Longueuil.

Comme le rappelait la défenseure fédérale du logement dans un rapport de 2022, « 77 % des Canadiens vivent dans un territoire où il existe une infraction contre l’itinérance ». Plus troublant encore, note Marie-Josée Houle, « 52 % de ces infractions ont été promulguées ou révisées au cours des 10 dernières années ».

En somme, la réponse à la présence des campements urbains des personnes itinérantes s’est faite à l’enseigne de l’intolérance, de la répression et de la stigmatisation, dont le triste résultat a été de priver ces personnes de l’accès à des services vitaux et la destruction de leurs biens. À cet égard, rappelons-nous le démantèlement sauvage du campement de la rue Notre-Dame dans Hochelaga-Maisonneuve en décembre 2024, démantèlement partiel ordonné par l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.

Plus fondamentalement, n’y a-t-il pas une certaine hypocrisie sociale et politique à préconiser une tolérance zéro face aux campements des personnes itinérantes, mais à accepter notre incapacité d’aménager adéquatement l’offre de logements et de ressources qui permettrait de les sortir de la rue ?

Le responsable de l’itinérance à la Ville de Montréal, Robert Beaudry, n’était pas peu fier en décembre dernier d’annoncer la construction de 60 logements modulaires pour les personnes itinérantes et leur livraison au printemps 2025. Le comité exécutif de la Ville a autorisé mercredi un contrat de 3,2 millions de dollars à l’entreprise RCM Modulaire, de la Beauce, pour l’installation d’unités modulaires sur trois terrains de la métropole.

Or, à ce rythme de construction, les 800 personnes qui dorment dans la rue à Montréal auront un toit sur la tête en 2038, soit dans 13 ans.

Il serait plus avisé et honnête de reconnaître que les campements urbains sont un outil de gestion de la crise du logement qui sévit, qu’il faut davantage travailler à les sécuriser plutôt que de les démanteler. Aussi, je propose les avenues de solutions suivantes.

1. Tout comme le suggérait Paul St-Pierre Plamondon, hausser de 460 millions de dollars par année le financement des organismes communautaires qui œuvrent en itinérance et augmenter le nombre de logements sociaux à 5000 par année.

2. Que le gouvernement du Québec reconnaisse le caractère inévitable des campements et travaille avec les administrations municipales à les sécuriser par un accès à l’eau, à des toilettes, à des génératrices, à des casiers et à une collecte des ordures.

3. Que le gouvernement du Québec mandate le ministère de la Sécurité publique pour faire l’acquisition du matériel nécessaire à la sécurité et à la salubrité des campements (tentes ignifuges, toilettes, eau potable et génératrices).

4. Que le gouvernement du Québec procède à un inventaire des terrains vacants lui appartenant, lesquels, selon des ententes avec les administrations municipales, les lois, les règlements en vigueur, pourront permettre l’établissement de campements.

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