Hydro-Québec se lance dans le développement de gros projets éoliens

La moyenne des parcs éoliens québécois est de 90 MW, alors qu’Hydro-Québec souhaite maintenant développer des projets de plus de 1000 MW.
Photo: Jacques Nadeau Archives Le Devoir La moyenne des parcs éoliens québécois est de 90 MW, alors qu’Hydro-Québec souhaite maintenant développer des projets de plus de 1000 MW.

Hydro-Québec ne veut plus se contenter d’un rôle d’acheteur à des acteurs privés dans le développement de l’énergie éolienne. Son président-directeur général, Michael Sabia, a annoncé jeudi que la société d’État deviendrait le maître d’oeuvre de gros projets éoliens, qui sont appelés à se multiplier dans les prochaines années.

Pour qu’on puisse ajouter 10 000 mégawatts (MW) de capacité éolienne d’ici 2035, la taille des projets doit augmenter, juge Hydro-Québec. La moyenne des parcs éoliens québécois est de 90 MW, alors que la société d’État souhaite maintenant développer des projets de plus de 1000 MW.

« On adopte cette stratégie parce que c’est le seul moyen de rendre l’énergie disponible de manière socialement acceptable, plus vite et au meilleur coût possible », a déclaré d’entrée de jeu M. Sabia lors d’une conférence de presse. Il a ajouté que l’éolien est une « partie essentielle de la diversification de notre système pour réussir la transition énergétique », dans un monde où les surplus sont chose du passé.

Jusqu’à maintenant, les projets éoliens ont été confiés à des entreprises privées par le biais d’appels d’offres, puis de contrats d’achat. Les entreprises étaient les actionnaires principaux des projets sélectionnés, en partenariat avec des acteurs municipaux et autochtones. Ce genre de modèle pourra demeurer, mais ne sera pas la « locomotive » du développement éolien québécois.

Les projets beaucoup plus grands seront privilégiés. Hydro-Québec en assurera la coordination et fera partie des actionnaires principaux, en compagnie des partenaires communautaires. Des acteurs de l’industrie seront impliqués sur les aspects techniques, dans un objectif de mise à profit de leur expertise, et pourraient obtenir des parts des projets.

En procédant de cette façon, Hydro-Québec sera en mesure, croit-elle, de réaliser des économies d’échelle de plus de 20 %, « en offrant une prévisibilité et des volumes importants aux fournisseurs », peut-on lire dans la nouvelle stratégie de la société d’État. « Ces économies contribueront à garder les tarifs d’électricité abordables et concurrentiels », précise le document.

Loin des centres urbains

Un parc de 1000 MW pourrait représenter autour de 150 éoliennes. Michael Sabia a toutefois indiqué qu’un même projet pourrait être réparti sur plusieurs sites.

« Au Québec, nous avons beaucoup d’espaces peu peuplés. Ça rend le développement de ces parcs industriels faisable. Je pense que vous allez probablement les voir plus loin des centres de population », a souligné le p.-d.g. d’Hydro-Québec. Des conversations sont entamées avec des Premières Nations et des municipalités concernées, a-t-il rapporté, mais rien n’est prêt à être annoncé.

Cela permettra d’aller capter la rente énergétique des grands projets éoliens, particulièrement ceux des gisements situés dans le nord du Québec, tel que dans la région de la Baie-James et de la Côte-Nord. Cependant, cette nouvelle stratégie n’empêchera pas le développement privatisé de projets dans le sud du Québec

M. Sabia dit avoir notamment basé sa stratégie sur une grande tournée effectuée à travers le Québec, où il a entendu les préoccupations de centaines de personnes au sujet du modèle de développement de l’éolien.

La CSN fait partie de ceux qui jugeaient « intenable » le modèle fragmenté et privé qui a eu cours jusqu’ici. Par voie de communiqué, la centrale syndicale a salué « l’ouverture d’Hydro-Québec à [le] remettre en question ».

Notons que plusieurs projets en cours rencontrent de l’opposition citoyenne, en particulier en zone agricole. « Le défi fondamental est la mobilisation des Québécois, parce que ce n’est pas une transition, c’est une transformation. La seule façon de bien naviguer cette transformation est de travailler tous ensemble », a affirmé M. Sabia.

Des avantages économiques

Une récente étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine affirmait par ailleurs qu’Hydro-Québec s’est coupée de profits importants en confiant l’éolien aux entreprises privées. L’un de ses auteurs, le chercheur Noël Fagoaga, a donc bien accueilli la nouvelle.

« Cela permettra d’aller capter la rente énergétique des grands projets éoliens, particulièrement ceux des gisements situés dans le nord du Québec, tel que dans la région de la Baie-James et de la Côte-Nord. Cependant, cette nouvelle stratégie n’empêchera pas le développement privatisé de projets dans le sud du Québec », a-t-il fait savoir par courriel.

D’un autre côté, l’analyste en politiques publiques Gabriel Giguère, de l’Institut économique de Montréal, a estimé que « la décision d’Hydro-Québec de se lancer elle-même dans la production éolienne risque de coûter très cher aux Québécois ». Les erreurs de planification de la demande d’Hydro-Québec conduisent au refus de projets industriels, a-t-il déploré.

L’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable, qui représente notamment l’industrie éolienne, a indiqué que les entreprises comptaient poursuivre leur collaboration avec Hydro-Québec peu importe le modèle. « Il est essentiel que [l’industrie] contribue au déploiement de projets à plus grande échelle tout en continuant à développer des projets de 350 MW et moins », a déclaré par écrit l’association.

M. Sabia, lui, s’est engagé à maintenir le caractère public d’Hydro-Québec. « Hydro-Québec appartient aux Québécois et aux Québécoises, a-t-il souligné. La dernière chose que nous allons faire est la privatisation, que ce soit complètement ou en partie. Ce n’est pas quelque chose qui va arriver. »

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