Hydro-Québec confirme qu’elle acquiert les terrains de la Grande Bibliothèque

Hydro-Québec acquiert pour 22 millions de dollars les terrains verts de la Grande Bibliothèque, y compris le jardin d’art et de lecture où se trouve une statue de l’écrivain Dany Laferrière. Au mieux, explique Hydro, seule une petite portion de ce jardin sera sauvée. Les lieux feront place à un poste électrique de 315 000 volts.
Après avoir étudié neuf scénarios, Hydro-Québec a retenu celui de la Grande Bibliothèque. Elle en a fait l’annonce au 20e étage de son siège social, sous le regard d’un buste de l’ancien premier ministre Robert Bourassa.
Hydro espère pouvoir mettre ce nouveau poste électrique en service en 2030, mais des travaux d’au moins six ans sont nécessaires. Des audiences préalables devant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) doivent aussi être considérées.
Pour la Maison de la chanson
Les représentants de la société d’État se sont dits heureux de soutenir, par ce projet, la vocation culturelle du Quartier latin. « La mission de BAnQ doit être reflétée dans le projet », affirme Graham Fox, vice‑président aux affaires publiques d’Hydro-Québec. « Deux étages d’entreposage pour la documentation de BAnQ sont prévus » dans l’enveloppe architecturale qui doit camoufler l’imposante structure. N’est-ce pas mettre à risque les archives du Québec ? « Il est certain que cela demande d’être étudié », répond l’ingénieur Pascal Monette, responsable du projet, en indiquant que ce n’est pas, en effet, un scénario déjà vu.
Aucun représentant de BAnQ n’était présent à l’occasion de cette conférence de presse.
La cession des terrains de BAnQ, pour la somme d’un peu plus de 22 millions de dollars, doit financer la création d’une Maison de la chanson dans l’ancienne bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis. En 2024, les coûts du chantier de ce projet étaient chiffrés à hauteur de 48,5 millions de dollars.
« C’est en juin-juillet 2024 » qu’une entente a été conclue avec BAnQ pour la cession de ses terrains, a répété Graham Fox. Les scénarios qui consistaient à scinder le poste électrique sur plusieurs emplacements ont tous été rejetés. « On a de la misère à en avoir un, alors imaginez plusieurs », a commenté l’ingénieur Pascal Monette.
Un parement architectural
Hydro doit planifier des installations pour cent ans, a expliqué Claudine Bouchard, vice‑présidente exécutive et cheffe de l’exploitation et des infrastructures. Construit en 1968, le poste actuel, beaucoup plus petit, est installé au pied de la côte Berri. Il serait trop complexe, juge Hydro, d’utiliser ce bâtiment pour le moderniser. Cela supposerait des jonctions avec un autre bâtiment. Selon l’ingénieur Monette, « on ne fait jamais ça, à Hydro-Québec ».
Une firme d’architecture de Laval, Bisson Fortin, sera chargée d’encadrer un concours pour habiller l’imposante structure d’un parement architectural. « Ce qu’on va voir en surface, faut que ce soit beau », affirme Mme Bouchard. Quelques exemples étrangers ont été donnés, dont le poste de Dal Grauer, à Vancouver, construit en 1954, mais abandonné depuis. Hydro évoque le poste Keilaniemi, en Finlande, et celui de Denny, à Seattle, tous trois fois plus petits que ce qui est prévu dans le quartier historique montréalais. Selon Mme Bouchard, Hydro devra faire des recherches pour trouver des exemples étrangers probants. « On veut que le site s’agence bien avec la vision du milieu », dit-elle.
Le Devoir a pu obtenir, grâce à la Loi sur l’accès à l’information, les procès-verbaux de BAnQ. Selon les documents consultés, le conseil d’administration de BAnQ avait déjà résolu à l’unanimité, le 22 juin 2022, de céder ses terrains au monopole d’État. Le lendemain, le gouvernement du Québec et BAnQ annonçaient officiellement le projet de réfection majeure de la bibliothèque Saint-Sulpice, appelée à devenir la Maison de la chanson, tout en évoquant l’argent venu d’Hydro.
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Le 23 mars 2023, une autre résolution du CA de BAnQ est adoptée à l’unanimité, cette fois pour autoriser l’offre d’achat, sans qu’aucune mention de la somme en jeu soit mentionnée. Il est précisé que le terrain public sur lequel le monopole d’État met la main est d’une dimension de 6000 m2, soit tout l’espace vert attenant, plus environ 75 % du jardin d’art et de sculpture.
Hydro-Québec affirme avoir bien défendu son projet à la population au cours de trois rencontres publiques, l’automne dernier. « Environ 150 personnes se sont présentées », indique M. Fox. Du même souffle, la société d’État reconnaît que ce projet suscite de très nombreuses critiques.
Le Devoir a publié l’essentiel d’une lettre de citoyens du quartier qui somment l’État de reculer. Plusieurs personnalités ont dénoncé ce projet, dont la fondatrice de la Grande Bibliothèque et ancienne p.-d.g. de BAnQ, Lise Bissonnette, de même que l’ex-ministre de la Culture Christine St-Pierre ainsi que la fondatrice du Centre canadien d’architecture, Phyllis Lambert. Le syndicat des professeurs de l’UQAM et plusieurs départements de cette université ont, eux aussi, dénoncé le projet.
Hydro assure qu’un comité tripartite, formé autour d’elle, de la Ville de Montréal et de BAnQ, veillera à assurer l’intérêt fondamental des citoyens.