L’horloge de l’apocalypse continue d’avancer

Sous le coup des menaces combinées du réchauffement climatique, des conflits armés, des armes nucléaires, des risques sanitaires et des effets de l’intelligence artificielle, l’humanité n’a jamais été aussi près d’une « catastrophe » planétaire, préviennent les scientifiques du Bulletin of the Atomic Scientists.
Ces derniers ont annoncé mardi qu’ils avancent « l’horloge de l’apocalypse » d’une seconde supplémentaire cette année. L’aiguille se situe maintenant à 89 secondes de minuit, soit le plus près de la fin du monde jamais enregistré depuis la création de cette « horloge » en 1947. L’horloge avait été modifiée pour la dernière fois en 2023. Elle avait alors été avancée de 10 secondes pour s’établir à minuit moins 90 secondes, après l’invasion en février 2022 de l’Ukraine par la Russie, dotée de l’arme nucléaire.
« L’heure de l’horloge pour 2025 indique que le monde est sur la voie d’un risque sans précédent, et la poursuite dans cette voie est une forme de folie », résume le comité science et sécurité du Bulletin of the Atomic Scientists, qui collabore notamment avec des lauréats du prix Nobel pour fixer l’heure de cette horloge symbolique.
L’idée d’avancer l’horloge d’une seconde découle de plusieurs facteurs préoccupants, dont le risque nucléaire dans le contexte de la guerre d’invasion que mène la Russie en Ukraine. Les scientifiques soulignent aussi les risques liés à une augmentation de l’arsenal nucléaire, en citant le cas de la Chine.
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Sans surprise, les experts insistent sur la menace croissante posée par la crise climatique, en rappelant que 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée et qu’elle a été marquée par plusieurs événements extrêmes (canicules, ouragans, inondations, feux, etc.). « Les émissions mondiales de gaz à effet de serre qui alimentent le réchauffement continuent d’augmenter et les investissements pour s’adapter et réduire les émissions des énergies fossiles sont nettement insuffisants pour éviter le pire », résume Robert Socolow, membre du comité et professeur à l’Université de Princeton.
Les États-Unis, deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre et gros producteur d’énergies fossiles, ont par ailleurs annoncé officiellement lundi leur intention de quitter l’Accord de Paris, conçu pour coordonner les efforts de lutte mondiale contre la crise climatique. Le président Trump veut non seulement annuler plusieurs mesures prises pour réduire les émissions de son pays, mais il souhaite aussi augmenter la production pétrolière et gazière.
« Grande instabilité »
L’espace de plus en plus important occupé par l’intelligence artificielle suscite aussi des craintes chez les scientifiques, notamment lorsque cette technologie émergente est utilisée dans un contexte de conflits armés. La mise à jour de ce mardi tient par ailleurs compte des risques sanitaires, dans la foulée de la pandémie provoquée par la COVID-19, qui a exacerbé le « scepticisme » quant aux recommandations des autorités de santé publique.
« L’horloge avance à un moment de grande instabilité et de tensions géopolitiques », a souligné Juan Manuel Santos, ancien président de la Colombie et Nobel de la paix, dans le communiqué annonçant la mise à jour de mardi. « Mais les menaces existentielles auxquelles nous faisons face peuvent seulement être réglées par une collaboration internationale. » M. Santos a ainsi salué les promesses du nouveau président américain de recourir à la diplomatie avec la Russie et la Chine, mais a condamné son retrait de l’Accord de Paris sur le climat et de l’Organisation mondiale de la santé.
Juan Manuel Santos a également appelé à des « actions urgentes » pour lutter contre la désinformation « et les amplifications des théories du complot, qui sont devenues tellement répandues dans notre monde hyperconnecté ». « Cette montée alarmante de la méfiance est alimentée en grande partie par l’utilisation malveillante et imprudente de nouvelles technologies que nous ne comprenons pas encore tout à fait », a-t-il ajouté.
L’horloge de l’apocalypse « est un symbole qui mesure à quel point nous nous rapprochons d’une destruction du monde avec des technologies dangereuses que nous avons nous-mêmes fabriquées », selon les scientifiques.
Le Bulletin of the Atomic Scientists a été fondé en 1945 par Albert Einstein, Robert Oppenheimer et des scientifiques ayant travaillé sur le projet Manhattan, qui produisit la première bombe atomique. À l’origine, après la Seconde Guerre mondiale, l’horloge indiquait minuit moins 7 minutes. En 1991, à la fin de la guerre froide, elle avait reculé jusqu’à 17 minutes avant minuit. En 1953, ainsi qu’en 2018 et en 2019, elle affichait minuit moins 2.