Des groupes citoyens demandent un examen du BAPE sur la filière éolienne

Se disant témoins d’une multiplication de projets éoliens pilotés principalement par des intérêts privés, et sans véritable débat public, plusieurs regroupements citoyens réclament la tenue d’une évaluation environnementale, sociale et économique globale avant qu’on engage davantage le Québec dans le développement accéléré de la filière, a appris Le Devoir.
« Nous réclamons un moratoire, et ce, jusqu’aux conclusions d’un BAPE générique, mais aussi un vaste débat public sur le développement énergétique au Québec », résume Janie Vachon-Robillard, du Regroupement vigilance énergie Québec. Cette démarche, qui sera officiellement lancée mercredi, est déjà appuyée par une trentaine de comités citoyens et d’organisations de la société civile.
Un examen dit « générique » du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) permet d’évaluer de manière globale les conséquences environnementales, sociales et économiques d’une filière, plutôt que projet par projet. Il donne donc « une vision d’ensemble », qui serait nécessaire étant donné l’ampleur des effets potentiels des projets d’installation d’éoliennes dans plusieurs régions, mais aussi les enjeux pour la société québécoise, souligne Mme Vachon-Robillard.
Elle cite en exemple les répercussions pour les citoyens qui doivent cohabiter avec les parcs éoliens, les enjeux d’acceptabilité sociale, la question des terres agricoles, la forte présence du privé dans le développement, la justification de ces projets, la protection de la biodiversité, etc.
Or, malgré la multiplication des projets, il est impossible d’avoir un tel portrait global de l’incidence de ce développement, selon les comités qui souhaitent interpeller le gouvernement Legault. « Actuellement, c’est sans acceptabilité sociale que s’organise l’implantation des projets éoliens. Promoteurs, gouvernement et élus locaux ignorent les citoyens et imposent leurs projets sans véritable consultation des communautés », laisse tomber Carole Neill, porte-parole du collectif Toujours maîtres chez nous, qui s’oppose au projet de TES Canada dans les MRC de Mékinac et des Chenaux, en Mauricie.
« C’est pourquoi il est impératif d’instaurer un processus de référendums municipaux obligatoires avant qu’une municipalité puisse donner son appui à un parc éolien sur son territoire. Ceci afin d’en arriver à une véritable approbation de la collectivité, en toute connaissance de cause, pour un projet respectueux des réalités locales », ajoute Mme Neill.
Intérêts privés
Les projets éoliens sont soumis à une procédure d’évaluation environnementale qui peut mener à un examen du BAPE, mais sur un projet en particulier. À la suite d’une telle procédure, le gouvernement Legault a d’ailleurs autorisé mardi un projet dans le Bas-Saint-Laurent piloté par le secteur privé, dont une entreprise de Toronto, de 56 éoliennes d’une hauteur pouvant atteindre 200 mètres.
Il a aussi autorisé récemment la première phase du mégaprojet éolien Des Neiges (piloté par Boralex, Hydro-Québec et Énergir), non loin de Québec. Il sera implanté dans un « habitat essentiel » à la survie de la grive de Bicknell, une espèce d’oiseau de plus en plus menacée.
Le regroupement insiste sur le fait qu’il ne s’oppose pas au développement éolien, mais plutôt au modèle de développement privilégié au Québec, qui mise beaucoup sur le secteur privé. La coalition de groupes réclame au contraire « la propriété publique de l’énergie éolienne ». « En partageant les bénéfices avec le privé, la société québécoise perdra plusieurs milliards de dollars : moins d’argent ira à financer nos écoles, nos hôpitaux et tous les autres services publics qui en ont drôlement besoin », selon Patrick Gloutney, président du SCFP-Québec.
Dans le cadre de son « plan d’action » pour les 10 années à venir, Hydro-Québec prévoit « tripler la production » éolienne d’ici 2035 afin d’ajouter 10 000 mégawatts de nouvelles capacités dans cette filière. Les projets devraient donc se multiplier sur le territoire de la province.
Le gouvernement Legault veut par ailleurs se donner le droit d’autoriser des « travaux préalables » pour certains projets, et ce, avant même l’évaluation environnementale. Le ministre de l’Environnement pourra recommander l’autorisation s’il juge que le projet favorise l’atteinte des objectifs de lutte contre la crise climatique du Québec. Le développement hydroélectrique et éolien pourrait en bénéficier. Cette nouvelle disposition est inscrite dans le projet de loi 81, intitulé « Loi modifiant diverses dispositions en matière d’environnement ».
—
Une version précédente de ce texte a été modifiée. Le gouvernement Legault a autorisé un projet dans le Bas-Saint-Laurent de 56 éoliennes, et non pas de 80 éoliennes.