En Grèce, le stress quotidien des habitants d’Amorgós secoués par des séismes
Tous les établissements scolaires sont fermés, et l’état d’urgence est en vigueur. Sur l’île grecque d’Amorgós, en mer Égée, les habitants vivent dans le stress permanent, la terre tremblant sous leurs pieds depuis fin janvier.
« Madame, encore un séisme ! On doit se mettre sous notre lit ? » Depuis trois semaines, Dionysia Kobaiou fait face « à l’angoisse et au stress » de ses petits élèves de 6 et 7 ans.
Cette enseignante donne ses cours à distance depuis que les autorités grecques ont décidé de fermer les écoles de plusieurs îles, dont celles d’Amorgós et de sa voisine, la mondialement célèbre Santorin, au moins jusqu’au 21 février.
Après quelques jours de relative accalmie, un nouveau séisme de magnitude 5,1, dont l’épicentre est situé en mer, a secoué l’île lundi, soit l’un des plus forts enregistrés jusqu’ici.

C’est « comme pendant la pandémie » de COVID-19, explique l’enseignante à l’Agence France-Presse (AFP), plus de 250 enfants et adolescents étant scolarisés à Amorgós.
Mais en 2020 et 2021, « on pouvait rester chez soi et se protéger [du virus], alors qu’en ce moment, à chaque instant, on ne sait pas ce qu’il peut arriver », poursuit-elle.
Essaim sismique
Amorgós, comme Santorin, est frappée par une activité sismique hors norme, qui intrigue les scientifiques.
Entre le 26 janvier et le 14 février, plus de 19 200 tremblements de terre ont été enregistrés au large des deux îles de l’archipel des Cyclades, selon le laboratoire de sismologie de l’Université d’Athènes (EKPA).
Cet essaim sismique n’a jusqu’ici fait ni victime ni dégât important.
Sur cette île sauvage et rocailleuse, à plus de 9 heures de traversier en hiver du Pirée, les 1900 habitants permanents « n’ont pas quitté l’île [comme à Santorin] à part quelques-uns pour des raisons professionnelles ou sanitaires », constate le maire, Lefteris Karaiskos.
Beaucoup de ces séismes sont de trop faible intensité pour être perçus, mais le plus fort, de magnitude 5,3, le 10 février, a été ressenti jusqu’à Athènes.
Ce soir-là, Sotiris se trouvait dans sa cuisine. « On s’est précipités dehors, car on a eu peur ! » raconte cet homme qui n’a pas souhaité donner son nom de famille, en charriant des matériaux de construction dans sa brouette.

« Mais vous savez, en Grèce, on est habitués aux séismes », ajoute-t-il.
Entre les chapelles aux coupoles chaulées, grenouilles et chatons se partagent les ruelles assoupies où tavernes et cafés sont fermés pour l’hiver.
Les secousses ont frappé l’île « en continu, cela ne s’arrêtait pas », renchérit Poppi Prasinou, qui installe ses cageots de légumes devant son épicerie.
Fatigués
« Les gens commencent à être fatigués », souligne cette mère de deux enfants.
Amorgós, comme trois autres îles des Cyclades, a été décrétée en état d’urgence jusqu’au 11 mars. Des renforts de secouristes notamment ont été dépêchés d’Athènes.
Sur le port de Katápola, installés devant leur café grec matinal, les anciens se souviennent.
En 1956, un séisme de 7,5 à 7,7 suivi d’un tsunami avec des vagues de 20 m de hauteur avait dévasté Amorgós.
« Il n’y avait ni information ni rien du tout à l’époque », raconte Vaggelis Mendrinos, 83 ans. « Nous avons été terrorisés […] On ne veut pas revoir ça ! »

Au bord de la falaise, un groupe de pompiers observe l’îlot d’Ánydros au sud-ouest d’Amorgós. C’est au large de cette terre inhabitée qu’est répertorié l’épicentre de la plupart des séismes.
La zone autour d’Amorgós présente six failles et des équipes de sismologues installent de nouveaux capteurs pour tenter de mieux cerner le phénomène.
Dans la campagne, les moutons sont lancés dans un concours de bêlements, et des éleveurs ont constaté une nervosité inhabituelle dans les troupeaux qui sentent la terre trembler sous leurs pattes.
Au monastère de la Chozoviótissa, pourtant construit dans la roche et accroché à la falaise, seuls les tremblements de terre perturbent un peu la vie des deux moines et du bénévole qui vivent quasiment reclus l’hiver.
« Ici, c’est le meilleur endroit pour partir un peu plus vite au ciel », dit en souriant le bénévole Constantin Papakonstantinou en désignant l’immensité de la mer Égée au pied du monastère.

Pourtant, une autre inquiétude commence à poindre dans ces Cyclades très prisées des touristes.
Quelle incidence ces tremblements de terre auront-ils sur la saison qui prendra son envol dans deux mois à peine ?
Amorgós accueille 100 000 touristes par an, selon son maire.
« Ne faites pas peur aux gens sinon ils ne viendront pas cet été ! » souligne d’ailleurs un habitant à l’AFP.