Québec aura son «TramCité» dans neuf ans

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, en compagnie de son collègue responsable de la région de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, et du maire de Québec, Bruno Marchand
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, en compagnie de son collègue responsable de la région de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, et du maire de Québec, Bruno Marchand

Le tramway de Québec n’entrera pas en fonction avant 2033, mais déjà, le gouvernement le baptise : son TramCité doit commencer à sortir de terre en 2027 pour une mise en service six ans plus tard. Le coût du chantier le plus imposant de l’histoire de la capitale nationale atteindra au bas mot 7,6 milliards de dollars.

Vision rarissime à Québec : le maire Bruno Marchand accompagnait, tout sourire, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, pour une annonce conjointe sur le tramway. Il aura fallu six ans, de nombreuses volte-face et des prises de bec parfois virulentes — le maire, aussi récemment qu’au printemps, accusait la ministre et son tout-à-l’auto de ramener le Québec à l’époque du Temps d’une paix — pour que la Ville et le gouvernement alignent leur vision en matière de mobilité dans la capitale.

Deux ententes présentées lundi en conférence de presse viennent détailler la gouvernance du tramway à naître. Le gouvernement devient maître d’ouvrage, donc responsable des grandes orientations, de l’échéancier et du budget, puis confie à CDPQ Infra la maîtrise d’œuvre, soit l’embauche d’entreprises capables de planifier et de réaliser sur le terrain la sortie de terre du chantier.

La Ville, elle, se cantonne aux rôles de « partenaire » et de « bénéficiaire », responsable, entre autres, des travaux préparatoires et des acquisitions de lots le long du tracé de 19 km qui serpentera entre le terminus Le Gendre, à l’ouest, et le terminus de Charlesbourg, au nord-est. Il incombera au Réseau de transport de la Capitale d’exploiter le tramway une fois en service, tandis que CDPQ Infra aura aussi la responsabilité de l’entretien à long terme du réseau.

Une facture déjà en hausse

La facture, estimée à 5,2 milliards de dollars par CDPQ Infra en juin dernier, atteint désormais 7,6 milliards — une hausse considérable pour un tracé qui s’apparente à la version du projet de tramway d’abord présentée sous l’ère Labeaume et qui se chiffrait, avant la pandémie, à 3,3 milliards.

La présente estimation, qui inclut les travaux préparatoires réalisés et à venir et qui tient compte de l’inflation, selon la ministre, approche aussi du prix de 8,4 milliards de dollars avancé par le maire de Québec en 2023, que le premier ministre François Legault trouvait « cher ». Le prix de la Ville prévoyait d’ailleurs un fonds de réserve de 2 milliards de dollars pour parer aux imprévus. La nouvelle estimation comprend aussi un tel fonds, mais personne, en conférence de presse, n’a voulu préciser ce qu’il représente sur l’enveloppe de 7,6 milliards de dollars.

« Sur le 7,6, nous sommes environ à 4 milliards du gouvernement du Québec, il y a 678 millions de la Ville de Québec et 1,44 milliard de dollars théorique du fédéral », a spécifié Geneviève Guilbault.

CDPQ Infra doit aussi contribuer à hauteur de « 20 % ou 30 % », mais sa participation financière, explique la vice-première ministre, demeure à déterminer « plus loin dans le processus ».

Enthousiasme et scepticisme

Bruno Marchand a louangé la concrétisation prochaine d’un chantier devenu « nécessaire » face à une croissance démographique qui doit garnir la région de la Capitale-Nationale de 200 000 nouvelles personnes d’ici 2051. À ses yeux, le tramway aura l’impact d’une « mini Baie-James », et il estime que 12 milliards en investissements ruisselleront sur Québec dans le sillon du projet. Déjà, les promoteurs projettent de construire environ 15 000 unités d’habitation le long de son tracé.

« C’est la première infrastructure lourde de transport public à l’extérieur de Montréal », a-t-il souligné en saluant le « trio gagnant » composé de la Ville, de CDPQ Infra et du gouvernement.

Plusieurs partisans du tramway demeurent cependant dubitatifs devant la soudaine profession de foi du gouvernement. Ils accusent la Coalition avenir Québec (CAQ) d’avoir le plus souvent compté dans le but du transport collectif à Québec.

« Aujourd’hui, il y a lieu d’avoir espoir, a indiqué le porte-parole du Parti québécois en matière de transports, Pascal Paradis. [Mais] le gouvernement de la CAQ porte l’entière responsabilité des délais et des coûts additionnels dans ce projet-là. Ça fait sept ans qu’il fait des calculs politiques et qu’il retourne sa veste au gré des élections. »

« C’est une bonne nouvelle aujourd’hui : il y a une entente et les aspects financiers sont attachés ou presque, affirme le solidaire Etienne Grandmont, député de Taschereau. Mais tant que nous ne roulerons pas dedans, nous ne crierons pas victoire trop vite. »

« Je ne veux pas cracher dans la soupe, mais j’ai de la misère à partager l’enthousiasme de la Ville, a ajouté Jackie Smith, cheffe du parti municipal écologiste Transition Québec. Il y a une énième annonce, un énième feu vert : comment je peux voir ça comme une bonne nouvelle ? Nous nous retrouvons avec une date de mise en service repoussée, un budget doublé et un tracé amputé. »

Financement fédéral dans les limbes

L’avenir du financement fédéral demeure inconnu puisque le chef de l’opposition à Ottawa, Pierre Poilievre, désigné comme le premier ministre en attente par les sondages, a promis de ne pas mettre « une cenne » dans le réseau de transport structurant de Québec.

Le tramway devait d’abord entrer en service en 2026, puis en 2030. Le gouvernement promet maintenant à la population que c’est finalement en 2033 qu’elle pourra monter à bord — soit 15 ans après le lancement du dossier par Régis Labeaume.


Une version précédente de ce texte indiquait qu’une croissance démographique devait garnir la ville de Québec de 200 000 nouvelles personnes d’ici 2031. Or, c’est la région de la Capitale-Nationale qui est concernée et pour 2051.

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