Les musées outrés par la fin de la gratuité universelle certains dimanches

En 2023-2024, 103 institutions muséales ont participé à cette mesure.
Photo: Musée d’art de Joliette En 2023-2024, 103 institutions muséales ont participé à cette mesure.

La Société des musées du Québec (SMQ) s’oppose vivement à la décision du gouvernement provincial de mettre fin à la gratuité universelle dans les musées les premiers dimanches du mois. L’association qui regroupe environ 300 institutions muséales réclame le maintien de cette populaire mesure.

« Nos membres sont sous le choc. Pour plusieurs, les premiers dimanches du mois représentent 10 %, voire 20 %, de leur fréquentation annuelle », a déclaré Stéphane Chagnon, directeur général de la SMQ. Il dit avoir demandé une rencontre d’urgence avec le ministère de la Culture et des Communications (MCC).

Depuis 2018, tous les Québécois pouvaient entrer sans frais dans une centaine de musées participants les premiers dimanches de chaque mois. Or, les institutions muséales ont été informées lundi matin d’un important changement dans les modalités de cette mesure, par le biais d’une lettre de la sous-ministre Nathalie Verge. Dès le dimanche 2 mars, ce sont seulement les jeunes de moins de 20 ans qui pourront obtenir gratuitement leur billet pour visiter les musées participants.

« Le Ministère poursuit de ce fait ses efforts de démocratisation culturelle, mais les concentrera auprès d’une clientèle spécifique », mentionne le courriel de Mme Verge.

« On continue d’agir auprès de nos jeunes pour les inciter à développer et à diversifier leurs habitudes culturelles », a pour sa part commenté le cabinet du ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, affirmant que « la gratuité des musées les premiers dimanches du mois a connu un grand succès depuis 2018 ».

Selon M. Chagnon, cette décision va à l’encontre de l’accessibilité aux musées. « On sait que les enfants de 15 ans et moins ne vont pas seuls au musée. Est-ce que les parents vont vouloir y aller autant s’ils doivent payer pour leurs propres billets ? On en doute fort », a-t-il dit.

Joanie Jacques, directrice générale du Musée de la Côte-Nord, à Sept-Îles, abonde dans ce sens. « C’est une mesure qui nous aide à augmenter l’achalandage local et qui contribue à la démocratisation culturelle. Ça permet à des familles complètes en situation de précarité financière de venir au musée », a commenté Mme Jacques, qui dit composer avec un budget de plus en plus serré.

4,3 millions de dollars
C’est ce qu’a coûté la mesure au gouvernement québécois, en 2023-2024.

« C’est malheureux, puisque la mesure de la gratuité est très intéressante pour les Québécois et les Québécoises qui viennent chercher de l’information sur les Premières Nations, a quant à elle affirmé Isabelle Genest, directrice générale du Musée ilnu de Mashteuiatsh, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. C’est important de sensibiliser le public aux réalités autochtones. »

Mme Genest estime que plus de 80 % des visiteurs de son établissement sont des adultes et des aînés. Les personnes de moins de 20 ans découvrent surtout les expositions par le biais de groupes scolaires. « Est-ce que ça vaut vraiment la peine de maintenir cette mesure pour les plus jeunes ? [Le Ministère] va-t-il nous aider à en faire la promotion ? », s’est-elle demandé.

Un court préavis

En 2023-2024, plus d’une centaine d’institutions muséales ont participé à cette mesure, qui a coûté 4,3 millions de dollars au gouvernement, selon un communiqué du MCC datant d’avril dernier. Environ 200 000 visiteurs s’étaient prévalus d’entrées gratuites entre mars 2023 et février 2024, soit une hausse de 35 % de l’achalandage par rapport à 2022-2023. Le coût de ce programme était donc en hausse, puisque le Ministère rembourse les musées à la hauteur du nombre de billets gratuits qu’ils ont donnés.

Les musées s’attendent maintenant à des baisses de fréquentation et de leurs revenus de billetterie. « Les musées qui sont en train de préparer leurs prévisions budgétaires pour la prochaine année ne peuvent pas, avec un préavis de 30 jours, trouver des façons de compenser pour ces revenus. C’est inacceptable d’annoncer ça à la fin de janvier pour un changement en vigueur au début mars », a déploré Stéphane Chagnon.

Cette annonce survient lors d’une période difficile pour plusieurs musées. Sous pression financière, le Musée de la civilisation a fait des compressions touchant 24 employés. Le Musée régional de Rimouski ferme ses portes temporairement pour tenter de réduire le déficit vers lequel il se dirige pour une deuxième année de suite.

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