Des femmes africaines luttent pour une agriculture plus inclusive

Jean-François Venne
Collaboration spéciale
Le CECI travaille en Afrique (ici, au Bénin) pour promouvoir l’entrepreneuriat des femmes et les approches d’agriculture durable.
Photo: CECI Le CECI travaille en Afrique (ici, au Bénin) pour promouvoir l’entrepreneuriat des femmes et les approches d’agriculture durable.

Ce texte fait partie du cahier spécial Coopération internationale

Les femmes africaines jouent un rôle central dans l’agriculture, mais plusieurs sont privées du droit de posséder des terres et de profiter des fruits de leur labeur. Le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) contribue à changer cela.

Le secteur africain de l’alimentation et de l’agro-industrie vaudra environ 1000 milliards de dollars américains d’ici 2030, estimait récemment le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. L’inclusion des femmes dans cette industrie reste un défi dans plusieurs pays du continent. Pourtant, elles y représentent une grande partie de la main-d’œuvre.

En Afrique de l’Ouest, par exemple, plus de 70 % des travailleurs de la production, de la transformation et de la vente des denrées agricoles sont en fait des travailleuses, selon le Programme des Nations unies pour le développement. « Les femmes restent souvent privées d’un accès aux ressources qui sont fondamentales pour faire de l’agriculture, comme la propriété des terres, le financement, les technologies modernes et même les marchés où s’écoulent les productions agricoles », déplore Koumba Anouma, directrice régionale Afrique du CECI.

Victimes des lois et des coutumes

Ces limites peuvent s’incarner dans des lois qui empêchent, par exemple, les femmes d’acheter ou d’hériter d’une parcelle de terre. Mais même lorsque les lois deviennent plus égalitaires, des normes sociales et culturelles maintiennent ces interdits. Les pères ou les maris demeurent propriétaires des terres que les femmes cultivent. Et puisque la terre n’appartient pas aux femmes, les denrées qu’elles produisent ne leur appartiennent pas non plus.

Mme Anouma cite l’exemple d’un projet de rizières au Burkina Faso auquel elle a participé récemment. Celui-ci a été entravé par la difficulté de faire accepter aux chefs de village et aux hommes l’idée d’accorder des terres aux femmes et aux filles. Or, l’accès à des titres de propriété est essentiel à plusieurs projets d’agriculture menés par les femmes. « Sans terre à donner en garantie, elles peinent à obtenir du financement », souligne la directrice régionale.

Abattre les barrières

Le CECI soutient depuis longtemps l’entrepreneuriat féminin et l’inclusivité dans le secteur agroalimentaire dans plusieurs parties du monde, dont l’Afrique. Des projets qui promeuvent l’entrepreneuriat des femmes et les approches d’agriculture durable ont touché plus de 200 000 femmes au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Ces approches ont contribué à augmenter les revenus et l’autonomie de petites productrices, en leur permettant de s’organiser en coopératives dont certaines regroupent plus de 20 000 femmes, et d’avoir un meilleur accès aux marchés.

Au Sénégal, le CECI mène par exemple un projet de coopération volontaire avec des entrepreneures locales qui met l’accent sur la formation et les normes de qualité. Cela aide les productrices de décrocher des certifications internationales comme l’HACCP (une norme de salubrité et d’hygiène), qui rendent leurs entreprises plus compétitives.

« Ce projet leur a aussi donné accès à environ 190 000 dollars de financement pour se procurer des équipements qui rendent le travail moins pénible ou qui augmentent la productivité », ajoute Mme Anouma.

Toujours dans le cadre de cette initiative de volontariat, le CECI mise sur le programme Femmes entrepreneures solidaires, un système d’échanges de mentorat international, qui jumelle des PME canadiennes et sénégalaises. Des entrepreneures québécoises pourront partager leur expérience avec leurs homologues sénégalaises, notamment lors d’un déplacement de deux à trois semaines au pays de la Téranga (terme wolof qui désigne les valeurs d’hospitalité, de partage et de générosité au Sénégal).

Régions à risque

Travailler à changer les mentalités n’est pas facile, et l’insécurité omniprésente dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest augmente l’ampleur du défi. Les groupes armés, notamment djihadistes, sont très actifs dans la région. Des coups d’État militaires ont secoué le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la Guinée depuis 2020. L’Organisation de coopération et de développement économiques soutient qu’en Afrique de l’Ouest, plus de 40 % des événements violents et des décès liés à cette insécurité se produisent dans les zones rurales.

« Ces risques peuvent nous amener à modifier ou à arrêter des projets, puisque la sécurité de nos employés, de nos volontaires et surtout des populations locales reste toujours notre priorité », note Koumba Anouma.

Elle constate par ailleurs des retombées importantes en matière d’augmentation de revenus, d’amélioration de la qualité de vie et d’autonomisation chez les femmes qui participent à ces projets. Elle estime que la prochaine phase servira à consolider et à formaliser les organisations qui en sont issues et à aider les microentreprises à devenir des PME.

« Même les entreprises canadiennes peuvent profiter d’un tel essor économique, puisqu’il augmente la demande pour des produits qu’elles vendent dans plusieurs secteurs, comme les technologies agricoles et les énergies renouvelables », conclut Mme Anouma.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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