L'exposition «René et Lévesque», le journaliste et le premier ministre

René Lévesque, vers 1970
Photo: Archives nationales à Montréal, fonds Antoine Desilets René Lévesque, vers 1970

L’exposition René et Lévesque, présentée en 2022 au Musée de la civilisation de Québec, se transporte à Montréal. Elle pourra être vue gratuitement jusqu’au 9 mai, les jours de semaine seulement. Il s’agit d’une version légèrement réduite de cette exposition originale qui soulignait, à l’aide d’artefacts, le centenaire de naissance de l’ancien premier ministre.

Cette version en tournée de René et Lévesque est présentée dans une salle des Archives nationales à Montréal, situées au 535, avenue Viger Est, devant le square du même nom. Des affiches électorales, des macarons, des lettres, des photographies, des vêtements, des photos : y est présent tout ce que vous voulez, et plus encore, au sujet de celui que ses électeurs appelaient familièrement « René » et que ses proches nommaient « Monsieur Lévesque ».

Photo: Archives nationales à Montréal, fonds René Lévesque René Lévesque à sa dactylo, vers 1985

Pourquoi avoir décidé de présenter cette exposition populaire aux Archives nationales plutôt que, par exemple, dans la salle d’exposition de la Grande Bibliothèque, là où environ 1,5 million de visiteurs défilent chaque année ? « Il y a déjà beaucoup de monde qui fréquente déjà la Grande Bibliothèque », affirme Claire-Hélène Lengellé, responsable des relations avec les médias à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). « Nous voulions tout simplement encourager les gens à découvrir les archives » qui abritent notamment le fonds René-Lévesque.

Ce n’est pas tout le monde, bien entendu, qui se lancera à l’assaut des montagnes de papiers originaux accessibles sur demande.

Lévesque aux archives

René Lévesque écrivait. Il écrivait beaucoup. Et il écrivait bien. Dans la montagne de papiers qu’il a laissés se trouvent bien des surprises. Par exemple, le texte d’une pièce de théâtre écrite par René Lévesque durant la Seconde Guerre mondiale ; œuvre de commande, elle fut jouée à la radio. L’archiviste glisse sous les yeux du Devoir le manuscrit d’Aux quatre vents.

Cette pièce lui a été commandée par René Constantineau, comédien et homme de théâtre. C’est dans les archives de celui-ci, à son décès, en 1996, que sera retrouvé le précieux manuscrit. Une partie est dactylographiée. Tout le reste est de la main même de Lévesque, de son écriture parfaitement lisible. Peu de ratures. Sans doute une version quasi finale, destinée à être tapée. « Tu as bon cœur, puisque tu aimes les arbres », fait dire Lévesque à l’un de ses personnages. Et il poursuit : « Pour aimer les choses de la nature, il ne faut que du goût. C’est pour aimer les hommes qu’il faut du cœur ; et souvent beaucoup de cœur. »

Photo: Jean-François Nadeau Le Devoir Des manuscrits de René Lévesque

René Lévesque aurait-il pu devenir un homme de théâtre ? La radio, en tout cas, fait alors travailler bien des dramaturges accomplis ou en devenir. Et Lévesque fut un homme de radio avant d’en être un de télévision. Qui sait ?

« En fait, René Lévesque a écrit deux pièces de théâtre », rappelle Marthe Léger, archiviste à BAnQ. « L’autre est perdue. Nous avons eu de la chance de retrouver Aux quatre vents. J’ai essayé, autant que j’ai pu, de retrouver l’autre. Jamais nous ne l’avons retrouvée… Peut-être qu’un jour, elle apparaîtra par miracle. On ne sait jamais. » Qui en possède une copie ?

Les archives nous révèlent par ailleurs l’homme passionné de cinéma qu’il était. Plusieurs de ses critiques de cinéma de la fin des années 1940 ont déjà été rassemblées dans un livre. René Lévesque collaborait alors au Clairon de Saint-Hyacinthe, un journal libéral animé par T.-D. Bouchard, un bouillant sénateur farouchement anti-duplessiste. « On sait moins qu’il a publié aussi des critiques de cinéma dès le collège », raconte l’archiviste Léger, les yeux brillants, heureuse de manipuler avec soin plusieurs pièces d’archives nécessaires pour mieux comprendre la trajectoire et la formation de cette figure incontournable du XXe siècle québécois et canadien.

Regard sur « Le scandalier »

Ce ne sont d’ailleurs pas seulement les archives de René Lévesque qui permettent de l’envisager, de le cerner. Il se trouve des traces de lui dans plusieurs fonds d’archives.

En 1976, pour préparer le seul débat public prévu entre lui et le premier ministre sortant Robert Bourassa, l’un de ses proches collaborateurs lui avait préparé un dossier secret baptisé Le scandalier. Un titre sulfureux, du genre de ceux que l’on donnait à des pamphlets au XVIIIe siècle. Il se trouve là-dedans une suite de feuilles mobiles destinées à lui donner des munitions pour le débat, alors présenté à la radio de CKAC.

Les intitulés des documents donnent déjà une idée des parfums de ce dossier corrosif : « De la Rive-Sud de Montréal au Zaïre ou comment récompenser un travailleur d’élection » ; « Comment obtenir un emploi d’été via les Jeunes libéraux » ; « La SAQ et les intermédiaires coûteux », « Les avantages liés au poste de président du Parti libéral », « Des voyages à Old Orchard et à Miami aux frais des contribuables », etc.

BAnQ possède le seul enregistrement connu du débat radiophonique entre Bourassa et Lévesque, observe Marthe Léger. Une transcription l’accompagne. En la feuilletant, il est facile de constater que René Lévesque ne s’est pas servi du dossier secret. « Cela ne lui ressemblait pas. Il a laissé le dossier de côté. Il ne l’a pas consulté durant le débat », affirme Mme Léger. Comment rendre compte d’un Himalaya de papier en quelques mots ?

Après Montréal ce printemps, l’exposition René et Lévesque sera présentée en Gaspésie à la belle saison. « L’été prochain, tout l’été, l’exposition pourra être vue à Gaspé, au Musée de la Gaspésie », explique Gilles Grondin, le directeur général de la Fondation René-Lévesque. Il se dit heureux de constater un tel engouement. L’exposition devrait aussi être accueillie dans d’autres villes.

René et Lévesque

Aux Archives nationales à Montréal, du lundi au vendredi, jusqu’au 9 mai

Une version précédente de ce texte a été modifiée: environ 1,5 million de visiteurs défilent chaque année dans la salle d’exposition de la Grande Bibliothèque, et non pas 3 millions.

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